30 juillet 2018 - 11:41
Lettre au ministre Gaétan Barrette
Par: Deux Rives

Amilie Chalifoux, auteure de la lettre ouverte, en compagnie de sa fille Emma-Rose. (Photo: tirée du site web GoFundMe)

Cher ministre Gaétan Barrette,

Je suis la maman d’Emma-Rose, une petite fille microcéphale avec hypoplasie ponto-cérébelleuse âgée de trois ans. Cela fera bientôt deux ans que je ne suis pas retournée sur le marché du travail en raison des rendez-vous avec les spécialistes, la stimulation, les exercices et les étirements à la maison sans oublier le temps qu’il a fallu pour lui trouver une garderie avec accompagnement, dont huit heures par semaine seulement étaient couvertes par les subventions gouvernementales versées au CPE.

Je pourrais adresser cette lettre à votre collègue le ministre de la Famille, Luc Fortin, pour me plaindre de la maigre compensation financière de 192$/mois que notre famille reçoit pour avoir à notre charge une enfant prise avec un handicap. Je pourrais également dénoncer le fait que votre gouvernement préfère verser la somme de 44 000$ chaque année à une famille d’accueil qui hébergerait ma fille ou encore le fait que je fais sauver des milliers de dollars sinon plus à l’État en stimulant moi-même ma fille à la maison au meilleur de mes capacités avec en prime un amour incomparable à ce dont une famille d’accueil pourrait lui donner. Je n’adresse pas cette lettre au ministre Fortin parce que le regroupement Parents jusqu’au bout et le réseau d’entraide L’étoile de Pacho qui réclament l’équité pour les familles d’enfants handicapés font une très belle campagne à ce sujet.

Si je vous écris M. Barrette, c’est d’abord pour vous faire part des conséquences qu’a eue votre réforme sur l’accessibilité aux soins pour Emma-Rose puisque trois postes sont restés vacants au Centre montérégien de réadaptation (CMR) que nous fréquentons dans la MRC Pierre-De Saurel, soit un poste de physiothérapeute, un poste d’ergothérapeute et un poste d’orthophoniste. Il est inutile de vous rappeler l’importance et l’urgence de ces traitements spécialement chez une clientèle âgée de 0 à 6 ans. Le neuropédiatre de ma fille avait avancé une régularité d’un à deux traitements d’ergothérapie par semaine pour Emma-Rose en plus d’un traitement de physiothérapie chaque semaine en ajoutant à cela des suivis en orthophonie à partir de l’âge de 30 mois. Ma fille avait d’ici là un traitement chaque semaine au CMR dans lequel étaient combinées la physiothérapie et l’ergothérapie. Nous complétions les traitements avec une séance d’hippothérapie par deux semaines, à nos frais, sous la recommandation d’une physiothérapeute du CHU Ste-Justine. Cela dit, j’ai appris jusqu’à tout récemment que nous devrons nous contenter uniquement d’un traitement d’ergothérapie par deux semaines jusqu’à ce que les autres postes soient comblés. Et ce n’est pas tout! J’ai appris que tous les candidats qui avaient appliqué pour le poste de physiothérapeute ont décliné l’offre en raison du faible nombre d’heures de travail qui leur était offert et il en est de même pour celui d’ergothérapeute qui a été diminué à une journée par semaine. Le poste d’orthophoniste est vacant depuis environ un an et nous sommes en attente de ce service depuis huit mois.

Votre gouvernement a peur de payer trop d’heures de travail allouées à des professionnels de la santé en réadaptation pour des enfants âgés de 0 à 6 ans, sous prétexte que cela dépend du nombre de population dans chaque MRC. Mais qu’avez-vous à dire au sujet des primes octroyées aux médecins pour le port d’une jaquette ou de celles versées aux anesthésistes et aux médecins chirurgiens pour qu’ils arrivent à l’heure en salle d’opération? Parce qu’à ce sujet, vous ne semblez n’avoir aucune réserve. Et que dire des 500$ pour le repos aux familles qui nous sont refusés par votre ministère depuis deux ans pas parce que nous ne sommes pas admissibles, mais par manque de fonds, nous a répondu à deux reprises le Centre de santé et de services sociaux par lettre. À mon avis, vous semblez concentrer vos efforts à un seul endroit M. Barrette et vous oubliez les personnes comme Emma-Rose dont la qualité de vie dépend de votre système de santé.

À cela j’ajouterai le second point qui m’amène à vous écrire et il s’agit des remboursements pour les traitements en chambre Hyperbare. Emma-Rose est suivie depuis plus d’un an par le physiatre Dr Pierre Marois, co-auteur de l’étude sur les traitements en chambre Hyperbare qui a été publiée en 2014. Ce dernier a recommandé les traitements d’oxygénothérapie pour notre fille dès la première rencontre. Après un premier traitement de 40 jours au coût de 2 500$ à l’automne 2017, Emma-Rose a commencé à initier des mouvements et mieux les contrôler. Elle s’affirme davantage et manifeste ses besoins. Au cours des six mois qui ont suivi le traitement, Emma-Rose a aussi manifesté le désir de marcher. Elle bouge la mâchoire et observe nos lèvres quand on lui parle. Elle communique par des sons et développe son sens de l’humour. Elle présente également une nette amélioration au niveau de la déglutition et de la mastication des aliments sans oublier une diminution de la spasticité. Vous avez les études qui démontrent que le traitement est efficace. Les familles le confirment. Elles organisent des collectes de fonds partout dans la province auxquelles ce sont les contribuables qui participent en sortant l’argent de leurs poches et pourtant, vous vous obstinez à refuser le remboursement des traitements avec l’argent que les contribuables vous confient chaque année en impôts. Les contribuables acceptent ce financement participatif. Pourquoi ne l’acceptez-vous pas? Qu’est-ce cela serait de consacrer deux millions de dollars par année au budget pour offrir les traitements aux enfants atteints de paralysie cérébrale et autres handicaps similaires si cela fait sauver à l’État des dizaines de millions de dollars en frais d’hospitalisation, d’équipements spécialisés ou de médicaments, comme l’a démontré un regroupement de parents dont les enfants sont atteints de paralysie cérébrale. Avez-vous peur que cela affecte à long terme l’industrie pharmaceutique ou la vente d’équipements spécialisés? Ou souhaitez-vous que les familles dépourvues de ressources se tournent vers le secteur privé? Faites preuve d’humanité! Ce n’est pas seulement une mère qui vous le demande, mais des milliers de familles d’enfants handicapés.

Amilie Chalifoux, maman d’Emma-Rose et Léo.

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