16 septembre 2025 - 07:42
L’expansion du Port de Montréal à Contrecœur sera accélérée
Par : Jean-Philippe Morin

Le ministre fédéral Dominic LeBlanc a mentionné, le 11 septembre, que le projet d’expansion du Port de Montréal à Contrecœur figure sur la liste préliminaire des grands projets nationaux du projet de loi C-5. Photo gracieuseté/APM

Le projet d’expansion du Port de Montréal à Contrecœur sera finalement accéléré, a tranché le gouvernement fédéral. Le ministre Dominic Leblanc a annoncé, la semaine dernière, qu’il figurait sur la liste préliminaire des grands projets nationaux du projet de loi C-5.

« Nous sommes prêts à franchir cette étape cruciale : lancer la construction d’une infrastructure stratégique qui permettra aux entreprises d’ici de diversifier leurs échanges vers des marchés d’avenir, tout en générant des retombées positives considérables pour le Québec et le Canada. Ce projet, mûrement planifié et rigoureusement élaboré afin de respecter toutes les lois et règlements, est porteur pour notre économie, pour notre chaîne logistique et pour la prospérité de nos communautés. Avec l’appui du gouvernement du Canada, nous espérons pouvoir passer rapidement à l’action », a mentionné l’Administration portuaire de Montréal (APM), sur LinkedIn.

L’APM n’a toujours pas reçu son permis de Pêches et Océans Canada pour commencer ses travaux en eau dans ce secteur, mais le fait que ce projet soit maintenant surveillé par le Bureau des grands projets pourrait lui permettre d’être accéléré, notamment en contournant des lois environnementales, si le permis tardait à être délivré. Il y a quelques jours, l’APM mentionnait, via communiqué, que sa demande de permis était jugée complète et conforme par Pêches et Océans Canada. L’APM assure par le fait même qu’elle n’a aucune intention de contourner ces lois environnementales même si son projet est inclus dans le projet de loi C-5.

Les coûts explosent

Au cours du point de presse, le 11 septembre, le ministre Leblanc a lâché du bout des lèvres que le projet pourrait atteindre 2,3 milliards de dollars. Il bénéficie d’appuis financiers des gouvernements du Canada (150 M$) et du Québec (150 M$), en plus de 300 M$ en prêts de la Banque de l’infrastructure du Canada, mais des appuis devront s’ajouter puisque la facture a gonflé depuis les dernières années.

Rappelons que le Port de Montréal aménagera, à Contrecœur, un nouveau terminal à conteneurs à la fine pointe de la technologie en prévision de la manutention, à terme, de 1,15 million de conteneurs « équivalents vingt pieds » (EVP). La capacité de manutention de conteneurs du Port de Montréal augmentera donc d’environ 60 %. Les travaux de construction, qui généreront environ 8000 emplois, incluront notamment deux postes à quai, une vaste aire de manutention de conteneurs, une cour ferroviaire intermodale raccordée au réseau principal, un portail d’accueil pour les camions connecté au réseau routier, ainsi que des installations de soutien.

Partenaire terrestre trouvé

Le 4 septembre dernier, l’APM et DP World Canada (composée de DP World et de La Caisse) ont conclu un accord de développement conjoint visant la conception des travaux terrestres du futur terminal à conteneurs.

Selon Le Journal de Montréal, DP World est une société des Émirats arabes unis dont la Caisse de dépôt et placement du Québec est depuis longtemps l’un des principaux partenaires financiers, puisqu’elle détient 45 % des filiales canadienne, australienne et dominicaine du groupe. Ces trois investissements de la Caisse valent ensemble au moins 2,9 milliards de dollars.

DP World a été sélectionnée « pour son expertise internationale en matière d’excellence opérationnelle, d’innovation technologique et de développement durable », dévoile l’APM par communiqué. Cette société en sera à une sixième installation portuaire au Canada. À l’échelle mondiale, DP World est active dans plus de 60 ports et terminaux dans 64 pays.

Le Devoir rapporte que même si DP World est détenue par un régime autoritaire à Dubaï et que l’entreprise a des liens d’affaires en Russie, DP World Canada a été retenue parce que ses activités canadiennes sont gérées localement et soumises aux lois et réglementations canadiennes.

Et la suite?

L’APM et DP World Canada finaliseront, dans les prochains mois, la conception du terminal, ainsi que les modalités du contrat de construction et d’exploitation qui entrera en vigueur dès le lancement des travaux terrestres.

Rappelons que ce projet repose sur une approche hybride. D’abord, les travaux en eau sont chapeautés par l’APM et planifiés en collaboration avec CTCGP (Pomerleau et Aecon). Puis, il y aura les travaux terrestres et l’exploitation, sous la responsabilité de DP World, qui pilotera la construction du terminal (cour de conteneurs, bâtiments, services publics et connexion ferroviaire) et en assurera l’exploitation et l’entretien pour les 40 prochaines années.

Le 29 septembre prochain, les travaux préparatoires se mettront en branle. Les travaux terrestres débuteront, en collaboration avec DP World, et un concepteur sera sélectionné dans le cadre de ce processus.

En 2026, ce sera le début des travaux en eau, dont le permis est attendu. Toujours en 2026, il y aura aussi la finalisation de la conception du terminal et la finalisation de l’entente de construction et d’exploitation avec DP World. En 2027, on procédera aux travaux terrestres en vue d’une mise en service du nouveau terminal à conteneurs en 2030.

Les inquiétudes subsistent

Le groupe de citoyens Vigie citoyenne Port de Contrecœur a réitéré, après l’annonce du premier ministre Carney, que ce projet n’avait pas besoin d’être accéléré en vertu de la Loi C-5. En entrevue à Radio-Canada, une des porte-paroles du groupe, Hélène Reeves, s’est entre autres dite inquiète de voir une forêt mature qui sera rasée et de voir un groupe comme DP World exploiter le port pour les 40 prochaines années. Selon l’APM, environ 13 000 arbres seront coupés, mais 22 000 végétaux et arbustes seront replantés.

« Si on lit ce qui est écrit dans le projet de loi C-5, cela doit protéger la santé, la sécurité et le bien-être social des Canadiens. Je pense que ce projet de port à Contrecœur ne répond pas à ces objectifs », a mentionné Mme Reeves.

Le député bloquiste de Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, Xavier Barsalou-Duval, est également critique envers le gouvernement Carney, qu’il accuse d’agir « en cowboy ».

« L’acceptabilité sociale et environnementale devrait toujours être un prérequis avant d’aller de l’avant avec un projet. Cette confiance se bâtit impérativement par le respect des lois et des processus démocratiquement établis. En inscrivant le projet de Port à Contrecœur dans la Loi C-5, le gouvernement de Mark Carney fait l’exact contraire. […] À partir du moment où un projet est ajouté à la liste de C-5, cela veut dire qu’à n’importe quel moment, le ministre responsable peut suspendre par décret l’application d’à peu près n’importe quelle loi au projet. Pour le moment, aucune exemption n’a encore été accordée, mais il faudra nécessairement redoubler de vigilance pour la suite des choses », déplore Xavier Barsalou-Duval.

D’autres groupes environnementaux comme GreenPeace, Équiterre et SNAP Québec ont également fait part de leurs inquiétudes concernant la survie du chevalier cuivré, ce poisson en voie de disparition dont l’habitat se trouve près du projet où doit se faire du dragage.

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