C’est ce que son agent de projet, Julien Poisson nous confirmait. « En l’achetant, en 1987, nous voulions maintenir l’intégrité écologique de l’île, les activités de chasse à la sauvagine, de pâturage et de villégiature qui s’y sont toujours pratiquées. Tout en conservant son patrimoine naturel. C’est encore notre intention aujourd’hui », explique-t-il.
On y chasse encore. Quelque 10 chalets y sont toujours fréquentés. Mais les éleveurs n’y amènent plus leurs bêtes et préfèrent plutôt y faire pousser du foin. Mais Conservation de la nature Canada craint que cette culture nuise notamment à la nidification des hérons.
Les règles sont cependant claires, décrit M. Poisson: les agriculteurs ne peuvent semer entre la mi-mai et la mi-juillet, période de nidification des oiseaux.
« Mais ils devraient aussi installer des barres d’effarouchement installées sur leur tracteur pour alerter les oiseaux de leur approche. Ce qui n’est pas le cas. On a autorisé le fauchage du foin pendant deux ans mais nous voulons que ce secteur soit désormais consacré au pâturage en 2017. Car le fumier produit par les bêtes durant l’été favorise aussi la présence des insectivores. »
Rappelons que les vaches de boucherie et celles qui allaitent leurs petits de même que les brebis et les porcs faisaient auparavant bon ménage sur l’île. Ce qui est peut-être moins possible aujourd’hui.
Une alternative
Quant au président de la commune de l’île, Yves Beaudette, il voit aussi cette approche d’un bon œil. Il se garde bien toutefois de dire si l’ensemble des locataires sont du même avis. « L’assemblée générale des 29 membres en décidera », dit-il.
Selon lui, comme les éleveurs de vaches préfèrent garder leurs bêtes chez eux, le pâturage pourrait être offert à tous les petits producteurs qui voudraient y apporter leur bétail pour l’été. Il pense par exemple aux familles intéressées à élever quelques agneaux à consommer à l’automne.
« Ils pourraient le faire à un prix raisonnable ou en échange de services, par exemple. Nous pensons bien refaire cette année des clôtures. Nous avons déjà l’eau et l’électricité. Plein d’animaux pourraient y passer sept à huit mois par année. »
Il faut redonner sa vocation initiale à cette île et trouver des gens de la relève prêts à y contribuer, insiste-t-il.
S’il y a plusieurs bêtes sur l’ile, une surveillance pourrait être organisée, considère-t-il. La commune dispose d’ailleurs du traversier équipé pour traverser les bêtes dès avril.
La commune, dit-il, est ouverte à toute suggestion pouvant permettre l’usage de cette terre exceptionnellement bien située. « Nous désirons conserver ce privilège qui nous vient des ancêtres, transmis de génération en génération. »
Bien sûr, il y a des droits d’ìle à payer et la commune paye aussi ses taxes à Sainte-Anne-de-Sorel, souligne-t-il, rappelant plus d’une fois qu’il est essentiel de protéger ce patrimoine naturel en bon état.
Qu’est-ce que la commune?
Une des pratiques du régime seigneurial de 1623 est toujours conservée au lac Saint-Pierre: les communes ou pâturages communaux. Des terres que le seigneur concédait à ses censitaires contre une redevance. Celle de l’île du Moine a été concédée à Paul Hus, un des premiers arrivants de la région.
Ses droits ont ensuite été légués à ses enfants et petits-enfants. Plus tard, après de nombreuses transactions de ventes de concessions, tous les droits se sont entremêlés. On y a mis de l’ordre en fondant en 1865 «la Corporation des syndics des Îles du Moine et des Barques», une corporation juridiquement constituée au sens de la loi.
Aujourd’hui, la commune comprend 29 membres qui administrent son usage.
Elle est l’une des trois dernières communes existantes au Québec. Chaque propriétaire paye un droit pour l’administration et l’entretien de la commune. Chaque usager peut laisser en pâturage un certain nombre d’animaux (bêtes à cornes, chevaux et brebis).
Le pâturage y est possible de la première semaine de juin à la dernière fin de semaine d’octobre. Mais tous n’utilisent pas ce droit. Le terrain de la commune de l’île compte quatre enclos distincts. Les bêtes sont transportées sur l’île à l’aide d’un chaland à cordage et on les laisse brouter jusqu’à l’automne.
Quelques données sur l’Île du Moine
Statut: Propriété privée
Superficie protégée: 669 ha
Propriétaires: Société canadienne pour la conservation de la nature et Canards Illimités Canada
Date de constitution: 1987
Caractéristiques: meilleur site d’observation ornithologique de tout le sud du Québec. En période de migration, on y retrouve 113 espèces d’oiseaux dont le petit Butor et le Troglodyte à bec court, deux espèces vulnérables. C’est aussi le plus vieux site de pacage au Québec.