En sixième année, en visionnant une émission animée par Mado Lamotte, Tommy Longbottom a eu un déclic. « Je me disais qu’il y avait quelque chose d’aussi bizarre que moi dans la vie. C’est un peu comme ça que je me sentais, bizarre. J’aimais pas les mêmes affaires que les autres, j’aimais me déguiser, essayer les talons hauts du monde. Il n’y avait pas encore Internet pour fouiller. Ça commençait. Et la télé de l’époque n’était pas la plus ouverte d’esprit pour les différences », explique-t-il.
Un jour, un ami l’a amené au Cabaret Mado. Ce fut une révélation. Il voyait qu’il était possible d’être sur scène et de faire ce qu’il désirait le plus soit danser, chanter et porter des costumes.
Depuis 2006, il a fait sa place dans le milieu et a performé entre autres au Monument-National, au Théâtre Saint-Denis, à la Place des Arts, en France et aux États-Unis dans des villes comme New York et Boston. Au départ, son personnage était davantage androgyne et ses performances étaient plus dans un style jazz ou comédie musicale. Coiffeur, il s’est aussi démarqué grâce à ses perruques et ses maquillages. Son personnage et ses performances ont évolué au fil des ans.
Pendant longtemps, il a souhaité faire de la drag sa carrière à temps plein. « Je voulais faire ça cinq soirs par semaine, gagner ma vie comme Rita Baga le fait, comme Mado le fait, comme quelques-unes le font. Aujourd’hui, ce n’est plus ça que je veux. Je veux faire des shows quand ça me plait, pour des choses qui me plaisent », mentionne-t-il.
Aider les jeunes à s’accepter
Au secondaire, Tommy Longbottom a vécu beaucoup d’intimidation. Les surveillants lui disaient de laisser les intimidateurs faire, que ça passerait. « C’est la pire affaire que tu peux te faire dire », lance-t-il.
Vivre à Montréal lui permettait d’être lui-même, sans se sentir jugé. En 2017, il est retourné aux études, d’abord à Montréal, puis en 2019, il est revenu dans la région et a complété son DEC en éducation spécialisée au Cégep de Sorel-Tracy.
« Aujourd’hui, une partie de moi travaille dans les écoles pour ne pas qu’il y ait un enfant qui vive ce que j’ai vécu. Je veux faire changer la mentalité des personnes », soutient-il.
Dans un atelier sur les conséquences de l’intimidation, il a vulgarisé son parcours avec un personnage fictif. Il n’y a pas abordé la drag, mais plutôt son amour pour la danse et son appartenance à la communauté LGBTQ2+.
Après un stage, une élève du secondaire l’a remercié de lui avoir permis de mieux se comprendre et d’avoir montré qu’il était possible de grandir en étant soi-même.
L’éducateur trouve important de dire qu’il vient de Sorel-Tracy et qu’il y réside. Pour lui, si seulement un enfant ou adolescent peut le regarder et se dire qu’être soi et réaliser ses rêves est possible même si on vient d’un plus petit milieu, ce sera mission accomplie.
Un premier Drag Fest à Sorel-Tracy
Le vendredi 1er juillet dans le cadre du Gib Fest, s’est tenu pour la première fois le Drag Fest animé par Rita Baga. Tommy Longbottom est derrière l’organisation du spectacle, qui regroupait cinq drag queens et des danseurs.
« Je n’ai jamais été aussi stressé. J’avais peur de déplaire, que le public de Sorel n’aime pas ça, que le festival soit fâché. Finalement, je ne suis pas déçu! », se réjouit-il.
Le spectacle a attiré 500 personnes et dès le lendemain, l’artiste a reçu des messages positifs.
Quelqu’un aurait souhaité voir un tel spectacle à l’adolescence pour l’aider à se comprendre plus tôt. Une mère lui a confié qu’il était rare que sa fille se sente aussi à l’aise et elle-même dans une soirée. Même sa grand-mère le regardait avec des yeux pétillants.
« Mon cœur fond en entendant ça, avoue-t-il. Mon frère me disait que juste en m’exprimant et en ne me cachant pas au secondaire, c’est comme si je me promenais avec une pancarte qui disait que c’était correct d’être gay. Encore aujourd’hui, en 2022, en étant sur scène, c’est comme si j’avais une pancarte qui disait que c’est correct d’être nous. »
Tommy Longbottom aimerait tenir d’autres événements de la sorte dans la région. Il fait également partie de Productions Midor, la première agence composée entièrement de drag queens au Québec. Cette nouvelle étape lui permettra d’accéder à encore plus d’opportunités.