10 janvier 2023 - 08:14
Avec des taux d’occupation parmi les plus hauts au Québec
L’urgence de l’Hôtel-Dieu de Sorel surchauffe depuis plusieurs semaines
Par: Alexandre Brouillard

L’urgence de l’Hôtel-Dieu de Sorel déborde, au grand dam d’infirmières qui ont dénoncé la situation. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Alors que certains hôpitaux voient leurs urgences déborder depuis le retour des Fêtes, celle de Sorel-Tracy est saturée depuis deux mois environ. Avec des taux d’occupation dangereusement élevés qui ont atteint les 200 % à quelques reprises dans les dernières semaines, le personnel de l’urgence peine à trouver des civières pour les patients.

Selon la présidente de la FIQ-SPSME, Brigitte Petrie, la situation s’est aggravée au début du mois de novembre 2022.

« À chaque quart de travail, il manque du personnel. Tout le Québec est pris dans cette situation, mais à l’Hôtel-Dieu, l’urgence déborde rapidement parce qu’il y a moins de services de première ligne à Sorel-Tracy », explique-t-elle.

Le jeudi 17 novembre, l’urgence était occupée à 212 %. Puis, le samedi 3 décembre, le taux dépassait le 250 % d’occupation. En 2023, la situation ne s’est pas améliorée. Entre le 3 et 9 janvier, le taux d’occupation à l’Hôtel-Dieu de Sorel atteignait toujours des sommets vertigineux, variant entre 150 % et 200 %. En date du 5 janvier, à midi, l’hôpital, qui compte 17 civières, accueillait 34 patients sur civière, dont 10 qui y étaient depuis plus de 24 heures et cinq depuis plus de 48 heures.

D’ailleurs, le 3 décembre, des patients avaient dû être installés dans les corridors, tandis que d’autres étaient assis sur des chaises en raison du manque de civières. Lors de cette journée, le personnel de l’hôpital avait prévu manifester en raison de la surcharge de travail. Les employés avaient toutefois été contraints de rester au travail, faute de personnel, alors que l’équipe en place était déjà en manque d’effectif de plus de 50 %.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME) admet que la situation est préoccupante. « Plusieurs actions sont mises en place au quotidien afin de pallier les défis de cette période achalandée de l’année qui est complexifiée par la pénurie de main-d’œuvre », indique Carole Doucet, conseillère aux relations médias au CISSSME.

Ces taux d’occupation très élevés s’expliquent par la présence dans la région de plusieurs virus respiratoires, ainsi que par l’augmentation des consultations pour des problèmes musculo-squelettiques (douleur à la suite d’un faux mouvement, d’une chute, etc.).

Le temps supplémentaire obligatoire dérange

Selon Brigitte Petrie, la saturation de l’urgence pousse les gestionnaires à recourir au temps supplémentaire obligatoire (TSO) qui irrite beaucoup d’employés. Rappelons qu’en novembre dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé a émis son intention d’abolir cette mesure.

« Honnêtement, depuis novembre, les professionnels en soins d’urgence sont en TSO à presque tous les quarts de travail. Il y a même certains quarts qu’on ne peut plus garder les gens parce qu’ils ont tous déjà travaillé pendant 16 heures », informe la présidente du syndicat, ajoutant que les employés doivent en plus travailler à équipe réduite.

À bout de souffle après des quarts interminables, des infirmières n’en peuvent plus, si bien que certaines quittent l’hôpital en pleure.

« Je suis en otage à mon travail, lance une infirmière de l’urgence qui a préféré conserver l’anonymat. On nous impose maintenant deux TSO par semaine en moyenne. Mon dernier date du 18 décembre et j’en ai refusés quatre depuis hier. Il n’y a pas assez de personnel sur l’équipe de base pour couvrir tous les shifts. »

Complètement exaspérée par les conditions de travail, cette dernière songe très sérieusement à démissionner. « C’est complètement insupportable et je suis rendue à un point de non-retour, lance-t-elle avec désarroi. Des infirmières de jour accumulent du temps supplémentaire volontaire par peur de faire des TSO de nuit. Elles font de trois à quatre 16 h de jour pour ne pas être éligibles au TSO de nuit. »

Une autre infirmière de l’urgence, qui a aussi décidé de témoigner anonymement, affirme que la situation est insoutenable. « C’est l’enfer! Depuis novembre ou décembre, la situation ne s’est pas stabilisée. C’est décourageant et ça me fait peur pour mon futur », confie-t-elle.

« On a beaucoup de cas d’influenza et de COVID. En général, les patients arrivent très malades, mais ce n’est pas pire depuis le retour des Fêtes. Avec le 4d [département de médecine générale] qui est fermé pour manque de personnel, nos patients hospitaliers ne viennent pas à bout de monter sur les départements et ils demeurent à l’urgence », informe-t-elle.

Selon les deux infirmières, la surcharge de travail augmente les risques de commettre des erreurs.

Le CISSSME invite la population à utiliser d’autres alternatives avant de se rendre à l’urgence, comme téléphoner à Info-Santé au 8-1-1, consulter son pharmacien ou son médecin de famille et se rendre à une clinique sans rendez-vous.

« Il est important de noter que toute personne ayant une situation critique et instable ne doit pas hésiter à se rendre à l’urgence », nuance Carole Doucet, conseillère aux relations médias au CISSSME.

Taux occupation de la dernière semaine (prélevé à midi)

3 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 188 % Montérégie : 150 % Québec : 129 %

4 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 147 % Montérégie : 144 % Québec : 126 %

5 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 200 % Montérégie : 164 % Québec : 133 %

6 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 171 % Montérégie : 161 % Québec : 133 %

7 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 106 % Montérégie : 144 % Québec : 119 %

8 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 141 % Montérégie : 141 % Québec : 117 %

9 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 182 % Montérégie : 158 % Québec : 130 %

10 janvier : Hôtel-Dieu de Sorel : 218 % Montérégie : 167 % Québec : 135 %

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