J’avais 11 ans à cette époque, mais je me rappelle très bien l’exode des Vietnamiens. Je me souviens des « boat people » qui ont embarqué à bord des bateaux de fortune afin de fuir un pays qui n’était plus le même, un pays où l’État voulait tout contrôler. Il fallait demander une permission pour se déplacer d’une ville à l’autre. L’État contrôlait ce qu’on mangeait, ce qu’on lisait ainsi que ce qu’on voulait étudier. Il voulait même contrôler nos pensées en donnant des cours d’endoctrinement obligatoires dans les écoles. La liberté n’existait plus. Pour moi, ayant un père dans l’armée de l’ancien régime, il m’était impossible de faire des études avancées comme je le souhaitais.
Puis, en juin 1981, à 18 ans, malgré les réticences de ma famille, j’ai décidé de partir seul, en secret, pour retrouver ma liberté en prenant la mer. J’ai pris le chemin des « boat people ». Après huit jours sur la mer et près d’un an dans un camp de réfugiés en Malaisie, j’ai choisi le Québec comme deuxième patrie puisque j’avais déjà acquis le français comme langue seconde au Viêt Nam. Je suis arrivé au printemps 1982 dans la ville de Sherbrooke. À ce moment, j’ai dû commencer à construire ma nouvelle vie les mains vides, sans expérience… et seul. J’étais mélancolique, car je m’ennuyais de ma famille et de ma ville natale. J’étais devant une mer d’incertitudes. Cependant, le Québec m’a donné la liberté et l’opportunité d’embrasser mon rêve : faire des études médicales pour devenir médecin.
J’allais à l’école le jour pour compléter mon secondaire 5 et le soir je faisais les cours obligatoires de secondaire 4 dans le but d’obtenir mon diplôme d’études secondaires, puis mon diplôme d’études collégiales. J’ai obtenu mon doctorat en médecine à l’Université de Sherbrooke en 1993 et ma spécialisation en radiologie diagnostique, également à l’Université de Sherbrooke en 1998. Durant cette même année, j’ai débuté ma carrière à l’hôpital Hôtel-Dieu de Sorel.
Je suis au Québec depuis maintenant 43 ans, je suis fier d’être Québécois, mais une partie de moi sera et restera toujours un enfant de Saïgon, un fils de la République démocratique du sud du Viêt Nam. Moi et mon épouse, Dre Ngoc Nga Nguyen, chirurgienne-dentiste diplômée de l’Université Laval, tentons de partager nos connaissances. Nous participons à de nombreuses activités philanthropiques. Nous sommes allés dans quelques missions humanitaires, sous la bannière Terre Sans Frontières et Dentistes Sans Frontières, dans les pays du tiers-monde.
Cette année, afin de commémorer la 50e année de la perte de Saïgon et pour exprimer ma gratitude envers la société québécoise, je désirais faire un geste significatif pour celle-ci. J’ai choisi de redonner à la Fondation Hôtel-Dieu de Sorel en contribuant par un don qui représentera au cumulatif 50 000 $. C’est un organisme qui me tient à cœur depuis mon arrivée à l’hôpital.
J’en ferai de même pour la fondation de la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke L’éducation et la santé reflètent la force d’un pays. Par mon action, j’invite aussi mes compatriotes vietnamiens à poser un geste d’appartenance envers la société québécoise en redonnant à la santé et à l’éducation. Il est important pour moi d’inviter également mes collègues ainsi que l’ensemble de la population à donner pour la santé en soutenant la Fondation Hôtel-Dieu de Sorel qui contribue à l’amélioration des soins de santé dans la région.
Dr Huu Hoang Duong, radiologue
Hôtel-Dieu de Sorel