Pour le plaisir de la lecture du restant de ce texte d’opinion, j’utiliserai le terme société civile pour dénommer lesdites professions d’état qui ont passé go et réclamé 200 en 2024. Parce qu’il faut se l’avouer, lorsque vient le tour d’écouter et d’endosser les revendications des éducatrices et éducateurs à l’enfance, on entend partout la stridulation des choyés.
Consœurs et confrères, comme artisan, vous avez créé au tournant du siècle un service de garde éducatif dont les qualités font l’envie du monde entier et vous n’en récoltez aucunement les dividendes. On vous ignore, on vous humilie, on vous dépossède.
Consœurs, confrères devant ce manque de reconnaissance éhonté, vous n’avez nul autre choix que de stopper les machines. Jusqu’à qu’on vous supplie de recommencer à faire rouler rondement la société. Un chèque encaissé, un engagement salarial comme preuve indubitable qu’essentiellement, vous êtes indispensables à la modernité.
Pour l’une des parties bruyantes de la société civile en cause, elles ont revendiqué des conditions de travail difficile, des ratios clients/professionnels dangereux, le manque de relève à la profession, les risques d’infections dus à la gestion des déjections et microbes de la clientèle, un rapport difficile avec les familles en cause… Attendez un peu, je rêve ou je m’autopeluredebanane comme disait Parizeau… Stopper les machines! La société québécoise souffre d’attention sélective!
Pour l’autre tranche de la société civile en cause, il stridule parce qu’elles ne croient pas que vous faites réellement de l’éducation. Pourtant, au dire des grands penseurs et architectes de l’éducation comme Vygotsky, Piaget, Bandura et j’en passe… Ultimement, l’éducation percole lorsque les individus qui s’y frottent en ressortent plus créatifs et plus autonomes. Nous, c’est notre quotidien, pouvez-vous en prétendre autant… mes criquets. Là encore, STOPPER les machines, la société québécoise souffre de mutisme sélectif.
Stoppez tout, ne rentrez plus et regardez froidement la dislocation ciblée de la société. Vos craintes les plus dystopiques ramperont vers la réalité. On assistera froidement à la mise en dormance de carrière, au difficile apprentissage de budgétiser un seul salaire, à la mise au rencart du nanane du pauvre; le sacro-saint voyage dans un tout-inclus torride. Les enfants rentreront dans les cours d’école en couche, les yeux bleus gavés comme des oies aux écrans bonbons. Ils seront assoiffés de maturité, seront armés d’un surmoi atrophié (voire inexistant) laissant toute la place à un moi souffrant de gigantisme et un ça sanguinaire et violent. Certains de ces enfants auront des corps boudinés, d’autres auront l’esprit bloqué dans la permanence de l’objet, certains seront déposés dans les classes comme des plantes vertes en manque de soleil, d’autres pleureront pour tout et pour rien, apeurés, crispés comme des vertigineux bloqués entre deux stations sur un mur d’escalade.
Stopper les machines et regarder… indignés.
Je comprends qu’il y a un un gros Revel à l’orange au sud de la frontière qui jette un froid interstellaire sur l’humanité, que pouvons-nous réellement y faire?
Et si on prenait soin de nos enfants à la place.
James Morgan,
Éducateur à l’enfance au CPE Danahé
Sorel-Tracy