Si pour tous les projets d’infrastructure les municipalités présentaient des démarches aussi claires, il y aurait assurément beaucoup moins de grogne et les tensions décroîtraient d’autant. Pour ma part, j’ai été particulièrement sensible au condo à hirondelles de rivage (dont j’ai pu mesurer le phénoménal succès à partir de mon embarcation) ainsi que la prise en compte de la variante visuelle (le site concerné étant le seul d’ici Pierreville à offrir une perspective – modeste – en plongée sur la vallée du fleuve).
Quelques bémols…
Ils concernent non pas la présentation elle-même, mais certains aspects pas ou peu soulignés.
A – les résidus : essentiellement ceux de dragage, au lieu d’être rejetés dans le fleuve, se retrouveraient sur le site même. Or, en catimini, la municipalité perd de plus en plus de terrain au profit de dépotoirs générateurs de poussières : curieusement, près de chaque sortie d’autoroute (comme celui de la sablière dont on prend pour acquis que c’est la vocation naturelle.) S’arrêtera-t-on avant qu’on ait atteint le niveau industrie de celui de Tracy?
B – les îlots de chaleur : si l’extension projetée produit moins de poussières que les installations de manutention existantes attenantes, même dans la nouvelle version – ménageant le couvert végétal – les îlots de chaleur sont considérables. Du pire au pire : l’asphalte des installations combiné avec le métal des conteneurs! Comme le tout s’ajouterait à ceux, non moins insignifiants, du gigantesque centre commercial du Bois-du-Curé, l’effet cumulatif finira par se faire sentir au « village ». Merci, on en reçoit assez sans en rajouter…
C – le type de port : présenté comme une simple extension du port de destination actuel, le projet en reprend les restrictions : une desserte exclusivement routière et ferroviaire. Or Montréal, assimilable à un port de fond d’estuaire, est aussi port de jonction entre les gabarits océanique, fluvial et maritime (qui a donné son nom à la voie.). Sauf pour la Tamise, fleuve bien maigre après Londres (69m3/sec. Contre 16 000 à Montréal!), la plupart des ports partenaires du nôtre sont d’escale : ils transbordent aussi par voie fluviale (Le Havre avec la Seine, Anvers avec l’Escaut, etc.) Montréal a vocation de transborder avec son fleuve : la Voie maritime, le reste de l’estuaire et même une partie du golfe! (Combien de conteneurs repartent de Montréal pour la Gaspésie ou le Saguenay par voie terrestre?) Le transport par l’eau étant pour toujours le moins cher, le moins polluant, le plus sûr avec un taux d’accidents remarquablement insignifiant, pour une offre de service complète, l’extension à Contrecœur a vocation d’escale, impossible sur l’île. Finie aussi la légende urbaine tenace selon laquelle le trafic du Saint-Laurent est saturé : c’est tout le contraire! Il suffit de le comparer sur un site de suivi satellitaire avec le Mississippi et nombre d’autres US ou européens et même asiatiques. Ou le canal de la mer du Nord à la Baltique (77 millions de tonnes annuellement!), au même gabarit que la Voie. Avec deux fois moins sur deux sections comparables, on est très loin de la vitalité d’antan des océaniques, bateaux Lachine et goélettes…
Le port (dé)passé à Contrecœur en 2030? Ou l’avenir avec des installations de transbordement… Le fluvio-maritime en requiert très peu sur terre : dans l’eau, un appontement (comme celui des pétroliers géants de Saint-Romuald) au gabarit océanique d’un côté, maritime ou fluvial de l’autre. Dessus, un portique roulant pour les opérations. À la limite, on peut se passer de quai en dur. Incroyable? C’est par voie d’eau que Beauce et Brie, greniers céréaliers de la France, expédient leurs considérables exportations jusqu’au Havre et Rouen. Ce trafic est tellement important et vital qu’il a été pris en considération pour le gel de la Seine au profit des Jeux olympiques!
… pour une amélioration notable
Avec beaucoup moins d’infrastructures au sol, une bonification au lieu du saccage : la plage du fossé noir, la seule de cette taille de Montréal à Saint-François-du-Lac, pourrait être non seulement sauvée, mais encore aménagée à titre de compensation. Avec ses nombreuses aires d’aigles-pêcheurs, elle devrait faire partie des 387 contraintes imposées au projet (dont j’attends le détail suite à une demande d’accès à l’information). Pour le bénéfice du public « propriétaire du fleuve » et ultime tenancier des lieux.
Joseph A. Soltész, Contrecœur