La Cour d’appel a en effet débouté la famille qui poursuivait l’État pour 1,9 M$ en dommages et intérêts. Elle tentait de faire renverser un jugement de la Cour supérieure rendu en novembre 2018.
La juge avait conclu que si les policiers « ont fait preuve d’une négligence extrême », ils n’ont pas « voulu délibérément provoquer l’acquittement d’Armande Côté » et ils n’avaient pas l’intention de causer un préjudice aux proches de M. Hogue.
L’histoire a commencé le soir du 22 juillet 2006, quand Armande Côté a effectué un appel 911, disant avoir trouvé son conjoint gisant sous le gazebo de la résidence, à Pierreville. Après son transport à l’Hôtel-Dieu de Sorel, le médecin a découvert des fragments métalliques qui correspondent à un projectile dans le crâne de la victime.
Il a dès lors communiqué avec la Sûreté du Québec qui a enclenché une enquête dans la nuit du 22 au 23 juillet. Les policiers ont ensuite procédé à l’arrestation de Mme Côté en bafouant ses droits constitutionnels. Ils ont commis une série d’erreurs qui ont ultimement entraîné l’acquittement de la suspecte. Le juge n’a pas retenu la preuve, considérant qu’elle a été obtenue de façon abusive.
Les policiers sont d’abord entrés et ont fouillé la propriété sans autorisation. Ils ont détenu la suspecte sans lui préciser les motifs, ne l’ont pas informée de son droit d’avoir recours à un avocat, ont foulé au pied son droit de garder le silence, et ont obtenu une déclaration qui n’était pas volontaire après plusieurs heures d’interrogatoire et lui en posant des questions inappropriées.
Cette cause avait d’abord été entendue au palais de justice de Sorel-Tracy. Elle s’était traduite par l’exclusion de la preuve par le juge Guy Cournoyer, en novembre 2007, ce qui avait fait avorter le procès. Le ministère public avait ensuite réussi à faire ordonner un nouveau procès, en février 2010, mais la Cour Suprême avait rétabli la décision, en octobre 2011.
Une décision qui a causé des préjudices
En octobre 2014, les appelants ont déposé une demande d’introductive en dommages-intérêts faisant valoir que l’acquittement d’Armande Côté leur a causé préjudice. Ils font valoir qu’ils ont été privés de l’apaisement qu’auraient pu apporter sa condamnation et son emprisonnement, de sorte qu’ils n’ont plus confiance dans les autorités policières ni dans le système de justice.
Ils prétendent aussi avoir subi des dommages moraux et avancent que leur droit à la sécurité, la sûreté et l’intégrité a été violé. Ils réclament également des dommages punitifs en raison de la conduite négligente des policiers.
La décision a en effet eu des effets dévastateurs sur la fille de la victime. En février 2008, Marie-Claude Hogue avait entamé un retour progressif au travail comme intervenante à la DPJ. Elle avait dû se retirer de nouveau, après deux mois, se disant incapable de faire confiance au « système » lorsqu’un dossier faisait l’objet d’une plainte à la police.
Mme Hogue, en proie à du découragement, avait même attenté à ses jours, en septembre 2011, en consommant de l’alcool et des médicaments après avoir croisé Mme Côté en voiture près du chalet de la famille. Elle a fait demi-tour pour essayer de la rattraper avant de se raviser. « Elle a eu la fantaisie de lui faire du mal, mais a changé d’avis en pensant à ses enfants », indique-t-on dans le jugement.
Quant aux enfants, ils ont eu quelques épisodes de crise après avoir aperçu Mme Côté en liberté. Une panique générale s’était même installée, puisque le plus jeune craignait qu’elle s’en prenne à sa famille.
Pas de lien de causalité
Les juges au dossier ont tranché que c’est l’acquittement de Mme Côté qui est la véritable cause du préjudice subi par les appelants, et non la faute des policiers. Ils ont ainsi rejeté les impacts indirects que leur bavure a pu faire subir à la famille.
Ils n’étaient pas non plus convaincus qu’Armande Côté aurait été condamnée pour le meurtre d’André Hogue advenant la tenue d’un procès devant jury. « Il revenait aux appelants de démontrer (…) que Mme Côté aurait été reconnue coupable à l’issue de son procès », écrit le juge Jacques Lévesque.
« Les appelants ont choisi de ne pas faire témoigner l’enquêteur Michel Comeau, continue-t-il. Ils n’ont pas non plus déposé les éléments de preuve matérielle recueillis lors de l’enquête menée chez Mme Côté. »