9 novembre 2022 - 07:01
Projet d’agrandissement du Port de Montréal à Contrecœur
Protection du chevalier cuivré : Ottawa pourrait serrer la vis
Par: Jean-Philippe Morin

On trouve le chevalier cuivré, une espèce en voie de disparition, dans le fleuve Saint-Laurent, près de l’endroit où le terminal de conteneurs doit être aménagé à Contrecœur. Photo Ghislain Caron

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a soutenu en entrevue à La Presse Canadienne qu’il sera plus sévère dans l’acceptation de projets qui ont comme conséquence la destruction d’habitats d’espèces menacées. À Contrecœur, l’Administration portuaire de Montréal (APM), qui gère le projet d’agrandissement du terminal de conteneurs, est tout de même confiante d’obtenir le dernier permis nécessaire à la construction dudit terminal, malgré la présence à cet endroit dans le fleuve du chevalier cuivré, un poisson en voie de disparition.

Le ministre a notamment fait valoir au journaliste Pierre Saint-Arnaud, le 31 octobre dernier, que les interventions fédérales comme celle qui a stoppé la construction d’un boulevard à Longueuil afin de protéger la rainette faux-grillon, une grenouille en voie d’extinction, seront répétées jusqu’à ce que le message soit compris.

« Nous avons eu recours à la loi sur les espèces menacées dans certains cas pour freiner des projets de développement. Je ne pense pas qu’on va avoir besoin de le faire tout le temps. Je pense que quand on va l’avoir fait à un nombre suffisant de reprises, les gens vont comprendre que le party est fini. […] Les tribunaux nous ont appuyés là-dessus. On est, d’un point de vue juridique, en terrain très solide et quand on va l’avoir fait une couple de fois, les gens vont comprendre », a mentionné le ministre au journaliste.

Le Chef principal, Affaires publiques et Communications, projet Contrecœur à l’APM, Louis-Philippe Péloquin, se montre tout de même rassurant. Il assure que la protection du chevalier cuivré est au cœur des préoccupations de l’APM.

« En vertu de nos échanges réguliers avec Pêches et Océans Canada, le processus suit son cours quant à l’émission du permis et nous sommes confiants quant au résultat. [N]ous travaillons avec de nombreux experts, dont des biologistes, afin de nous assurer que les mesures de compensation proposées soient à la satisfaction des autorités et en ligne avec les engagements de l’APM. L’échéancier du projet demeure le même, soit une mise en service graduelle d’ici la fin de 2026 », mentionne le porte-parole.

Rappelons que même si Ottawa a déjà donné son feu vert pour le projet le 1er mars 2021, l’APM doit toujours obtenir un permis en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP).

Des mesures suffisantes?

L’APM propose, pour assurer la survie du chevalier cuivré, de planter deux hectares d’herbier, soit le double de la portion affectée. Elle prévoit aussi un programme sur cinq ans d’amélioration de la qualité de l’eau dans le bassin versant de la rivière Richelieu, lieu connu de reproduction du chevalier cuivré, une revue de littérature et une priorisation des axes de recherche sur la reproduction du chevalier cuivré ainsi qu’un programme de sensibilisation des usagers du fleuve sur l’érosion des berges.

Or, en mai dernier, La Presse rapportait que Pêches et Océans Canada doutait de l’efficacité des mesures de compensation proposées par l’APM, notamment la plantation d’herbiers à des endroits où l’espèce est absente ou éparse. Pour cette raison, la Société pour la nature et les parcs au Québec (SNAP Québec) demande au gouvernement canadien de déclencher une nouvelle étude d’impact.

Le biologiste et directeur général de la SNAP Québec, Alain Branchaud, a répété ses inquiétudes au journaliste de La Presse Canadienne, la semaine dernière. « Ce ne serait pas sérieux, surtout avec la COP15 qui s’en vient [à Montréal en décembre], d’aller envoyer un message qu’on va détruire l’espèce la plus en danger, l’espèce endémique qui est le porte-étendard de la protection de la biodiversité au Québec. Il faut que les bottines suivent les babines dans ce dossier », a-t-il dit, en ajoutant être prêt à aller devant les tribunaux pour bloquer l’émission du permis.

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