18 février 2020 - 12:58
Quelle urgence?
Par: Louise Grégoire-Racicot

Forte d'une expérience de plus de 40 ans dans les médias, dont 37 au journal Les 2 Rives, Louise Grégoire-Racicot écrit une chronique hebdomadaire à propos de sujets régionaux.

Pour une chroniqueuse comme moi, l’adoption d’une loi sous bâillon évoque la réduction au silence, le renoncement à des discussions, une entrave flagrante à la démocratie. Cela sous prétexte de sauver du temps, au nom du bien collectif. Quelle tristesse!

Notre système scolaire en sera-t-il meilleur après l’adoption sous bâillon de la Loi 40 qui le réforme? Bien malin qui peut le dire aujourd’hui.

La gouvernance scolaire sera-t-elle avantagée parce qu’assurée par des bénévoles parents, professionnels de l’enseignement et membres de la communauté plutôt que des commissaires élus? Rien de certain!

Reste que l’abolition immédiate des postes de commissaires élus est un jugement sévère porté à l’égard de leur apport à la vie démocratique et scolaire de leurs milieux respectifs. Une attitude indigne d’une société qui se veut moderne, égalitaire.

D’autant que ce scrutin n’est aboli que chez les francophones. Il survivra chez les anglophones attachés, dit-on, à ce droit de gérer et de gouverner leur réseau scolaire. Comme si l’éducation était secondaire pour les francophones!

Cela dit, cette loi – qui compte 300 articles et des dizaines d’amendements – ratisse large. Elle réforme les structures scolaires, encadre la formation du personnel enseignant, établit les pouvoirs des conseils d’établissement, crée un comité d’engagement pour la réussite des élèves dans chaque centre de services, permet l’inscription des enfants dans l’école de choix des parents et non celle de résidence de l’enfant, statue sur la révision des notes et impose aux municipalités de fournir gratuitement des terrains pour la construction d’une école sur leur territoire.

Cette dernière mesure n’affectera heureusement pas pour le moment la Ville de Sorel-Tracy, mais elle posera certes un problème à Contrecœur où la nécessité d’ajouter une autre école primaire s’impose.

Mais ces mesures ne garantissent pas pour autant aux enfants de la région de meilleures chances de recevoir une éducation axée sur la réussite scolaire d’un plus grand nombre d’entre eux!

Une inquiétude surgit : le centre sorelois survivra-t-il? Sa gouverne nous échappera-t-elle un jour, d’autant que pour le moment, la population régionale stagne? On n’envisage donc pas d’ajouter des écoles au lot actuel, sinon d’en agrandir certaines. Le ministre trouvera-t-il alors qu’il serait moins coûteux de le fusionner à des centres voisins?

Il faut garder à l’esprit la réforme des services de santé qui a réduit le poids régional à faire pencher la balance en faveur de ses aspirations et concentré des pouvoirs entre les mains du seul ministre. Les élus régionaux devront donc désormais s’atteler à faire de la dispense de l’éducation dans leur milieu, une autre préoccupation essentielle à sa survie, à son développement. Un autre cheval de bataille incontournable à intégrer à leur agenda déjà chargé!

Enfin, il faut déplorer que cette loi impose unilatéralement des conditions de formation aux enseignants. Surtout qu’en campagne électorale, M. Legault avait partagé son souci de revaloriser leur profession. Ce bâillon a escamoté des discussions possibles sur le sujet, ce qui insulte au plus haut point, et avec raison, ceux qui vivent sur le terrain la réalité éducative quotidienne et ses entraves, ses grandes et petites réussites, ses essais et erreurs.

Somme toute, voilà une loi imposée qui soulève bien des inquiétudes. Peut-être portera-t-elle son lot de progrès, mais à quel prix ? Certainement à celui d’une confiance à rebâtir entre des forces vives qui devraient pourtant conjuguer leurs efforts pour en multiplier les effets plutôt que de s’affronter dans des partages de pouvoir somme toute bien secondaires devant le défi de dispenser une éducation de pointe et de qualité au plus grand nombre! Une priorité incontournable!

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