3 mai 2022 - 08:09
Recul
Par: Louise Grégoire-Racicot

Depuis le début des années 80, Louise Grégoire-Racicot pose son regard sur la région comme journaliste à travers les pages du journal Les 2 Rives. Depuis février 2018, à titre de chroniqueuse, elle livre maintenant chaque semaine son opinion sur l'actualité régionale.

Le maire Serge Péloquin a reconnu avoir espionné électroniquement le bureau du greffier René Chevalier. Cela m’a successivement estomaquée, puis déçue, attristée et inquiétée.

Oui, la loi permet au maire de suspendre un fonctionnaire s’il juge que son comportement est contraire à sa fonction ou aux valeurs de la municipalité énoncées dans le code d’éthique des employés municipaux.

Mais même si la loi prévoit qu’il doit, dès l’assemblée suivante du conseil, en déposer par écrit les motifs, il m’apparaît à la fois injuste et insatisfaisant qu’il ne l’ait pas fait dès la suspension imposée au greffier. Ne serait-ce que pour éviter une atteinte possible à la réputation d’excellence professionnelle de M. Chevalier et porter ombrage à sa propre qualité d’administrateur.

Sa décision a surpris. Son admission a estomaqué. Son explication que l’enquête a été sabordée par un coulage a déçu. Surtout que ce « Sorelgate » semble remonter à plus d’un an. Et même s’il affirme que ce dossier en est un des Ressources humaines, le dispositif aboutissait sur son propre ordinateur. Il pouvait épier tous les propos tenus au bureau du greffier qui est aussi et par-dessus tout directeur des scrutins municipal et provincial.

Comme ce texte a été écrit avant l’assemblée du conseil et qu’on ne connait pas les conclusions des enquêtes menées par la SQ et le ministère, on peut quand même appréhender, peu importe leurs conclusions, que ce geste ait des suites malheureuses.

Car la nouvelle a vite fait le tour du Québec, soulevant l’étonnement des uns, la raillerie des autres – en fonction du respect qu’ils portent aux élus et aux institutions.

Pour certains, la méthode utilisée est inadmissible. Sa durée a fait de nombreuses « victimes collatérales ». Car bien des gens passent dans le bureau d’un greffier aussi directeur de scrutin – élus, collègues de travail, candidats, citoyens en quête d’informations ou insatisfaits, Sorelois ou pas.

Cette opération marquera malheureusement la réputation de la ville, voire de la région. Parce qu’elle semble cavalière. Qui n’y pensera pas avant de solliciter un emploi à la Ville ou à la MRC où le maire siège aussi?

D’ailleurs, quand un maire veut utiliser ce stratagème, la loi devrait lui imposer de réclamer un mandat d’un tribunal. Comme les policiers y sont tenus. Souhaitons que le député Jean-Bernard Émond trouvera sensé d’en discuter avec la ministre des Affaires municipales. Pour éviter de tels imbroglios.

La confiance des employés municipaux envers l’employeur et le climat de travail en seront certes affectés. Comment se sentir vraiment en confiance quand le maire se donne seul le droit d’écouter électroniquement les propos d’un employé? Et que le conseil – le véritable employeur – ne peut intervenir parce qu’on ne lui donne pas les motifs du geste?

Oui, la loi reconnait à l’employeur le droit à l’écoute électronique. Mais des chartes garantissent aussi les droits des employés – vie privée, conditions de travail justes et raisonnables, travail sans la pression d’une surveillance constante. D’ailleurs une caméra braquée sur un poste de travail de façon permanente a été jugée contraire aux droits d’un employé. Il faut viser équilibrer ces droits.

Une fois tous les éléments connus, et les sanctions imposées s’il y a lieu – sinon les excuses apportées – restera à atténuer les suites d’un tel gâchis. Pour effacer ce persistant sentiment de recul et d’amertume.

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