17 août 2024 - 08:30
Analyse d’une professeure associée de gestion municipale
Rémunération des élus : la taille de la municipalité n’est pas le seul critère
Par: Stéphane Fortier

Danielle Pilette, professeure associée de gestion municipale de l’UQAM, a analysé la situation des élus de notre MRC et de Contrecœur. Photo gracieuseté/UQAM

Comme il est spécifié dans l’introduction de ce dossier, la taille de la municipalité n’est pas le seul élément qui entre en ligne de compte pour déterminer le salaire des élus et il ressort que, dans l’ensemble, les élus sont rétribués de façon juste et équitable.

De fait, selon Danielle Pilette, Ph.D., professeure associée de gestion municipale de l’UQAM, il ne suffit pas de prendre en compte la taille de population de la municipalité locale, qui est certes un critère, mais pas le seul, ni peut-être même le plus important. « Il faut prendre en compte aussi la capacité de payer des contribuables et la catégorie des contribuables (privés ou entreprises) ainsi que le taux global de taxation uniformisé appliqué dans la municipalité locale », mentionne Mme Pilette, d’entrée de jeu.

Selon elle, il faut s’attarder à différents facteurs. D’abord, les revenus de la municipalité sont-ils diversifiés ou concentrés seulement sur les taxes ou presque? Ensuite, il faut se demander quel est le taux global de taxation et identifier l’assiette de richesse foncière de la municipalité, sa composition et voir quel est son montant par unité d’évaluation. « Un taux de taxation même comparable produira des revenus municipaux bien différents si l’unité moyenne vaut davantage qu’ailleurs, explique Mme Pilette. Plus la richesse imposable est résidentielle, plus ce sont des individus qui paient par opposition à une assiette très industrielle et commerciale où non seulement ce sont des entreprises qui paient, mais elles paient un taux qui est un multiple du taux résidentiel de base, soulageant d’autant le contribuable résidentiel. De même, les valeurs agricoles sont élevées dans la Montérégie, et il existe un programme québécois compensatoire pour une portion des taxes municipales sur les valeurs agricoles, soulageant d’autant les contribuables résidentiels de la municipalité », poursuit-elle.

L’analyse d’une experte

Danielle Pilette constate, en examinant de près la situation des 12 municipalités de la MRC de Pierre-De Saurel et Contrecœur, qui se trouve dans la MRC de Marguerite-D’Youville, que celles considérées très petites sont Saint-Gérard-Majella, Saint-David, Saint-Aimé et Massueville. une seule est fortement résidentielle (Massueville), avec une faible valeur par unité d’évaluation imposable et compensable, soit 182 536 $. « On comprend donc que le traitement modeste du maire et des autres élus soit en accord avec la taille de population et la capacité de payer limitée », indique-t-elle.

Trois sont fortement agricoles (Saint-Aimé, Saint-Gérard et Saint-David). À Saint-Aimé, la Richesse foncière uniformisée (RFU) par unité imposable et compensable s’élevait au montant de 710 776 $, à Saint-David, 531 125 $ à Saint-Gérard, c’était 453 944 $. « Le montant attribué au maire de Saint-Aimé est donc particulièrement modeste compte tenu de la capacité de payer, et modeste aussi pour les maires de Saint-David et Saint-Gérard », analyse Danielle Pilette.

Toujours selon son évaluation, parmi les quatre municipalités se rapprochant de la taille de 2 000 de population, on note que trois, Saint-Robert, Yamaska et Saint-Ours, sont partagées entre le résidentiel et l’agricole dans le parc immobilier et que la quatrième, Saint-Joseph-de-Sorel, est particulière avec une concentration de plus de 61 % de la valeur de son parc immobilier imposable dans l’industrie et le commerce. « Ces fonctions rapportent un multiple du taux résidentiel de base et la valeur moyenne par unité d’évaluation est de 398 987 $. Non seulement la capacité de payer est présente, mais aussi il y a une complexité de desserte dans ce genre de territoire. Donc, la rémunération relativement élevée du maire et des autres élus peut être justifiée, malgré la faible taille », croit Mme Pilette.

D’ailleurs, elle remarque que la rémunération ne correspond pas à du temps complet. « Les trois municipalités qui sont partagées entre le résidentiel et l’agricole ont des RFU par unité d’évaluation variables, entre 206 081 $ pour Yamaska, 368 988 $ pour Saint-Robert, et 410 985 $ pour Saint-Ours. Encore ici, le montant total du maire et des élus semble en lien avec l’assiette de richesse foncière et donc la capacité de payer des contribuables », souligne-t-elle.

En ce qui a trait aux trois villes comptant entre 2 000 et 10 000 de population, soit Saint-Roch-de-Richelieu, Sainte-Anne-de Sorel et Sainte-Victoire-de-Sorel, elles sont majoritairement résidentielles, mais Sainte-Victoire est quand même agricole à près de 34 % de ses valeurs imposables et la RFU par unité d’évaluation y est de 315 948 $, alors qu’elle est de 281 076 $ à Saint-Roch et de seulement 223 333 $ à Sainte-Anne. « On peut donc affirmer que le maire et les élus de Sainte-Victoire sont traités modestement dans les montants qui leur sont attribués. Mais aucun de ces maires est rétribué selon du temps complet », remarque Danielle Pilette.

À Contrecœur et Sorel-Tracy

Même si la Ville de Contrecœur dépasse à peine le 10 000 de taille de population, elle est particulière puisque son parc immobilier est industriel et commercial à 21,16 %, générant un multiple du taux de taxation de base et à cause aussi de l’expansion du port de Montréal, croit la professeure associée de gestion municipale. « Cette ville appartient à la MRC de Marguerite D’Youville et à la CMM. Elle se trouve donc dans une dynamique de projets exigeante et prometteuse. Pour le moment, la RFU par unité d’évaluation est à 432 120$. Les montants attribués au maire surtout et aux élus reflètent la situation et la perspective d’avenir. »

Finalement à Sorel-Tracy, Danielle Pilette constate que la Ville rencontre les défis des anciennes villes industrielles. « Elle est, à l’est, l’un des pôles de la vaste région de la Montérégie, comme Valleyfield à l’ouest de la région. À ce titre, ses revenus sont diversifiés et elle dépend moins que d’autres des taxes dans ses revenus de fonctionnement. Mais, comme elle doit fournir de nombreux services, son taux global de taxation est relativement élevé à 1,2442 $. Son parc immobilier est assez fortement résidentiel à plus de 82 % des valeurs imposables et la RFU par unité d’évaluation y est de 314 505 $ », analyse-t-elle.

Et les salaires? « Le montant perçu par le maire est représentatif du temps complet dans un pôle régional, même si la population ne croît pas rapidement et se trouve seulement dans la taille des 35 000. Les conseillers y touchent des montants représentant l’équivalent d’un demi-temps. Somme toute, les montants touchés sont relativement généreux, même élevés pour cette partie est de la région, à l’extérieur du territoire métropolitain de Montréal, compte tenu de la situation financière de la Ville, mais il y a quand même une complexité difficile à évaluer de l’extérieur dans ce genre de ville », admet l’experte en la matière en conclusion.

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