Par l’entremise d’une demande d’accès à l’information auprès du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), le journal Les 2 Rives a obtenu deux rapports d’expertise de la caractérisation de l’air ambiant effectuée de septembre à décembre 2022 et d’avril à juillet 2023.
Dans ces deux rapports totalisant 477 pages, la Direction générale de la coordination scientifique et du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec expose les données relatives à la présence de particules et de métaux dans l’air ambiant du secteur de Richardson International, soit les particules en suspension totales (PST), les PM10, des particules de diamètre inférieur à 10 micromètre (μm), et les PM2,5, des particules de diamètre inférieur à 2,5 μm.
Une succession de rapports et d’événements
Rappelons les faits : en 2017 et 2018, le Centre de contrôle environnemental du Québec (CCEQ) du ministère de l’Environnement avait effectué les premières caractérisations de l’air ambiant au centre-ville de Sorel-Tracy après que plusieurs citoyens ont signalé la présence de poussière blanchâtre.
En 2020, le ministère de l’Environnement avait soumis les données récoltées à la Direction de la Santé publique (DSP) pour qu’elle se prononce sur les impacts sur la santé de la population. Cette dernière avait conclu qu’une exposition à ces poussières pouvait avoir des impacts sur la santé de la population, soit provoquer de la toux, affecter les voies respiratoires et même exacerber l’asthme ainsi que provoquer des symptômes d’allergies.
En 2021, lorsque Richardson International avait pris connaissance de l’avis de la DSP, l’entreprise avait contesté les résultats, jugeant que les rapports n’étaient pas à jour. La multinationale signalait avoir adopté plusieurs types de mécanismes pour limiter les émanations de particules fines.
Finalement, en août 2022, le ministère de l’Environnement avait informé qu’il procéderait à de nouvelles analyses de la qualité de l’air au centre-ville, à l’automne 2022 et au printemps 2023.
Résultats des caractérisations de 2022 et 2023
Ainsi, en 2022 et 2023, quatre stations fixes ont été de nouveau installées autour de Richardson International, aux mêmes emplacements qu’en 2017 et 2018.
Concernant les concentrations de PST, 32 dépassements de normes ont été détectés entre septembre et décembre 2022, tandis que 46 dépassements de normes ont été détectés entre avril et juillet 2023. Les valeurs quotidiennes les plus élevées récoltées en 2022 et 2023 étaient respectivement de 513 microgrammes par mètre cube (µg/m³) et 951 µg/m³. On note une nette diminution à ce niveau, alors qu’en 2017 et 2018, la valeur quotidienne la plus élevée était de 1780 µg/m³. Le norme québécoise fixe le maximum à 120 µg/m3 par période de 24 heures,
« Ces observations montrent que Richardson contribue significativement aux concentrations de PST dans l’air ambiant lorsque des activités de chargement ou de déchargement de bateaux ont lieu sur le site. Les activités à QSL semblent également contribuer, par moment, à augmenter les concentrations de PST dans l’air ambiant », peut-on lire dans les rapports.
Des dépassements de concentrations de particules PM10 sont aussi notés en 2022 et 2023. Durant ces années, les valeurs quotidiennes les plus élevées enregistrées sont respectivement 152 µg/m³ et de 310 µg/m³. Bien que ces particules ne soient pas encadrées par une norme québécoise, la DSP se réfère à la norme de l’Organisation mondiale de la santé qui fixe la limite à 50 µg/m3 par période de 24 heures. Leurs concentrations moyennes avaient toutes diminué entre 2018 et 2022, mais augmenté entre 2022 et 2023. « Tout comme les PST, Richardson International contribue à la concentration de PM10 dans le secteur, malgré qu’il existe également d’autres sources », lit-on dans le rapport.
Mêmes conclusions générales, mais des rapports nuancés
Les données récoltées lors des caractérisations de l’air ambiant au centre-ville de Sorel-Tracy en 2017, 2018, 2022 et 2023 montrent que la compagnie Richardson contribue aux concentrations de PST et de PM10 dans l’air ambiant du secteur à l’étude.
Malgré les nombreux investissements de Richardson International pour diminuer ses émissions de poussière, peu d’améliorations ont été répertoriées par le ministère de l’Environnement.
Rappelons qu’en décembre 2023, l’entreprise a annoncé un investissement de 1,3 M$ pour doter ses installations soreloises d’outils à la fine pointe de la technologie pour limiter davantage le dégagement de poussière organique lié aux opérations de chargements des navires.
Le ministère de l’Environnement demeure tout de même prudent concernant la part de responsabilité qui revient à Richardson International, alors que durant la campagne d’échantillonnage, les observations ont montré d’autres sources d’émissions de particules dans l’air, notamment les activités de l’entreprise QSL.
« Il a été observé que non seulement les chargements de bateaux à Richardson causent des poussières, mais aussi le camionnage sur leur site. Les activités à Sorel Forge causent également des poussières, mais ces activités n’ont pas pu être documentées en détail lors des visites. D’autres facteurs tels que des travaux de construction ou la présence de pollen ont également contribué aux concentrations de particules dans l’air ambiant du secteur. De plus, pendant la campagne de 2023, la qualité de l’air a été fortement affectée par les feux de forêt qui sont survenus à travers le Québec », peut-on lire en guise de conclusion dans le rapport.
Richardson International, par l’entremise de la firme TACT conseil, a poliment décliné notre demande d’entrevue, alors que l’entreprise n’avait toujours pas reçu les deux rapports de la part du MELCCFP en date du 20 décembre 2023. L’entreprise s’est dite ouverte à donner une entrevue après avoir pris connaissance des rapports.