17 octobre 2023 - 07:52
Si loin, si proche
Par: Deux Rives

Maire de Massueville de 2005 à 2021, Denis Marion commente l'actualité en tant que chroniqueur au journal Les 2 Rives depuis décembre 2021. Photo Simon Ménard

En mettant les pieds à Jérusalem, en 1986, je savais que j’arrivais dans une ville au cœur d’un des grands conflits qui meublent l’actualité internationale depuis des décennies. J’y ai vécu trois ans, étudiant à l’Université Hébraïque de Jérusalem, apprenant l’hébreu jusqu’à le parler couramment à l’époque, me passionnant pour mes études de sciences politiques. Cette expérience ne fait pas de moi un spécialiste du Moyen-Orient. Sachez-le avant de poursuivre la lecture de ce texte que j’ai hésité à écrire.

Je n’ai été qu’un témoin anonyme, étranger et de passage d’une histoire complexe impossible à expliquer en quelques mots, maintenant traversée par l’horreur. Je suis bouleversé par les actes de barbarie perpétrés par l’organisation islamiste Hamas. Oui, bouleversé, indigné et tellement triste aussi devant tant d’inhumanité chez ces assassins. De telles exactions sont donc encore possibles aujourd’hui?

Et je suis aussi choqué par les réactions de certains qui voudraient que je « comprenne » la boucherie au nom des souffrances du peuple palestinien. Rien, absolument rien, ne justifie des crimes contre l’humanité. Ni là-bas, ni en Ukraine, ni au Rwanda, ni au Myanmar.

Avons-nous oublié qu’Israël a été créé en 1948 pour permettre aux Juifs de vivre dans un endroit où ils seraient en sécurité alors que près de six millions des leurs furent exterminés dans les camps nazis durant la Deuxième Guerre mondiale?

Mais on peut, en même temps, souhaiter la création d’un État palestinien, s’indigner que ce ne soit pas encore fait et répéter que des attaques contre les civils palestiniens contreviennent au droit international.

Lorsque j’y étais, il y a près de 40 ans maintenant, j’ai marché avec des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Jérusalem et de Tel-Aviv pour dénoncer l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Une occupation qui n’avait pas encore 20 ans et dont les impacts sur la société israélienne et sur les Palestiniens divisaient profondément le pays.

« C’est avec ses ennemis qu’on fait la paix, pas avec ses amis », disait Yitzhak Rabin. Cet ancien général de l’armée israélienne, premier ministre de 1992 à 1995, pilotera pour son pays les négociations qui mèneront aux Accords d’Oslo en 1993. Yasser Arafat, leader historique de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) en sera le porteur du côté palestinien. Ces accords, largement soutenus par la communauté internationale, prévoyaient une période de transition maximale de cinq ans avant le règlement définitif. La poignée de main entre Rabin et Arafat, historique, permettait de croire à une solution pacifique pour toute la région et un meilleur avenir, en sécurité, pour Israéliens et Palestiniens.

Itzhak Rabin a été assassiné en 1995, tiré dans le dos par un extrémiste religieux israélien lors d’une manifestation pour la paix à Tel-Aviv. Sans lui, le processus de paix a déraillé.

J’étais dans la petite salle un jour où Rabin est venu s’adresser à une quinzaine d’étudiants de l’université où j’étudiais. J’ai aussi entendu Hanan Achrawi, leader palestinienne, militante pour la paix, plus tard ministre de l’Autorité palestinienne. Des gens pragmatiques pour qui la paix était le préalable difficile, mais obligatoire pour le bien-être de leurs peuples.

J’ai trop de souvenirs de cette région du monde et des gens que j’y ai côtoyés, pour ne pas être profondément touché par la situation actuelle. Il est encore question de vies et de morts et c’est désespérant.

image
image