2 janvier 2024 - 07:01
Soirée québécoise d’avant les cellulaires
Par: Deux Rives

Louis Latraverse. Photo gracieuseté

Une chronique de Louis Latraverse

L’actualité est trop lourde. Pesons sur rewind.

Au siècle dernier (ouf), chaque maison avait son piano et il y avait toujours quelqu’un qui savait en jouer. Dans le temps des Fêtes, les familles partageaient un répertoire commun de chansons de circonstances, à connotations religieuses ou carrément festives. Chacun poussait la note.

Ceux qui faussaient avaient la chance de répondre (comme dans les chansons à répondre). Par un drôle de hasard biologique, les répondeurs avaient souvent des voix puissantes et tonitruantes, ce qui créait une ambiance de joyeux festins gaulois.

Des mâles alpha au verbe fort et coloré racontaient des histoires de chasse et de pêche farcies d’anecdotes à faire pâlir les humoristes millionnaires. Et c’était gratis !

Il ne faut pas oublier les tantes ricaneuses et moqueuses qui nous embrassaient avec leurs becs mouillés et leur parfum too much et, surtout, nous embarrassaient avec leurs questions sur la puberté précoce des futurs ados.

La moins bonne chanson

Revenons à la chanson. La Bonne Chanson, c’est le cahier déposé sur le piano, un répertoire connu de tous. C’était le karaoké du terroir. Chacun poussait sa toune avec accompagnement au piano.

Certaines sont très jolies et pleines de poésie : « Partons la mer est belle », « À la claire fontaine », « Mon chapeau de paille », etc.

En plongeant dans mes souvenirs, je me demande si certaines chansons, faisant la promotion des valeurs canadiennes-françaises catholiques, passeraient le test de la rectitude politique ambiante.

Parmi ce répertoire douteux : « Il était un petit cordonnier qui faisait fort bien les souliers ». Au quatrième couplet, ça se gâte solide : « Après avoir bu quelques chopinettes, de retour à la maison, battait sa femme à coup de bâton, il la battait si juste, il la battait si drette, pas plus qu’il en fallait ». Et toute la parenté qui répondait: « Pas plus qu’il n’en fallait ». Ouch !

Une qui parle de consentement. « Perrine était servante » où Perrine déclare à son amoureux qui voudrait l’embrasser : « Oh grand nigaud que t’es bête, ça se prend sans se demander diguedondadondaine, ça se prend sans se demander, diguedondadondé » ! Une femme qui encourage le baiser non consenti. Faut préciser que surpris par le curé qui arrive, l’amant est enfermé dans une armoire pendant six semaines et mangé par les rats. Assez trash quand même.

Que dire du « Souvenir d’un vieillard » qui joue encore parfois à la radio. « Venez à moi, petits enfants, je veux de vous une caresse »… vite, on appelle la DPJ.

Il y a une notion de cannibalisme dans « Il était un petit navire » qui n’avait ja, ja, jamais navigué, ohé, ohé : « On tira à la courte paille pour savoir qui, qui, qui serait mangé ». Hannibal Lecter faisait-il partie de l’équipage ?

Rien ne battra l’interprétation grivoise du « Petit pouce qui branle », ça suffit pour être heureux que poussait une tante un peu cocktail au jour de l’an. Rendue au huitième couplet, chorégraphie à l’avenant, on basculait dans une autre dimension. N’essayez pas cela à la maison !

Ces vieilles histoires vous embêtent, l’actualité vous déprime. Pesons sur forward. Si l’histoire se répète, de siècle en siècle, l’Occident se prépare à vivre une crise en 2029 suivie d’une grande dépression en 2030. Si on garde la pédale au fond pour la croissance à tout prix incluant notre dépendance au numérique, on fonce droit dans le mur. Heureusement, il est encore temps de changer, individuellement et collectivement.

Bonne année, bonnes résolutions et bon karaoké !

image
image