27 mars 2018 - 06:01
Sorel-Tracy veut cesser ses avis publics dans le journal Les 2 Rives
Par: Jean-Philippe Morin

Les avis publics de la Ville de Sorel-Tracy pourraient bientôt disparaître du journal Les 2 Rives après l'adoption d'une résolution en ce sens le 3 avril. (Photo : Jean-Philippe Morin)

La Ville de Sorel-Tracy prévoit adopter une résolution, le 3 avril prochain, dans laquelle elle annoncera son intention de cesser de publier ses avis publics dans un média imprimé, en l’occurrence Les 2 Rives. Elle entend plutôt les publier uniquement sur son site web, en vertu des disponibilités incluses dans la nouvelle loi 122, adoptée en juin 2017.

Bon an mal an, la Ville consacre environ 20 000 $ pour annoncer des changements de zonage, des dérogations mineures ou autres avis publics dans les pages du journal Les 2 Rives.

À la Ville, le maire Serge Péloquin assure que le journal n’y perdra pas au change. « Le journal va servir de levier de promotion pour les projets de la Ville. Plutôt que d’y annoncer des avis publics que personne ne comprend, on va se servir des médias écrits pour promouvoir nos projets porteurs. Notre but n’est pas de sauver de l’argent et il ne dormira pas dans un coffre. On va prendre ce budget et le réinvestir dans la promotion de la Ville », souligne-t-il en entrevue.

Une période de transition sera assurée dès le mois d’avril, assure M. Péloquin. « On va informer les citoyens via le journal avec le lien du site web de la Ville pour les inviter à aller voir les avis publics sur notre site. Rien n’empêche que lorsqu’il y aura des projets majeurs, on pourra mettre les informations dans le journal et sur le site web en même temps. »

Simplifier les avis publics

Le porte-parole de la Ville, Louis Latraverse, souligne que cette nouvelle façon de faire permettra plus de latitude à la municipalité.

« En publiant les avis sur le web, on enlève l’heure de tombée. On a une plus grande flexibilité puisqu’on n’est plus contraints dans l’espace, donc on peut ajouter des plans et des photos. De plus, si un citoyen est concerné par un changement de zonage, par exemple, il ne s’y perdra plus dans des phrases légales incompréhensibles. Tout sera simplifié », explique M. Latraverse.

« C’était une demande des citoyens de simplifier les avis publics, ajoute Louis Latraverse. Ils seront ainsi plus faciles à comprendre pour tout le monde. »

Manque de transparence

L’éditeur du journal Les 2 Rives, Benoit Chartier, a vivement réagi à cette nouvelle.

« La nouvelle orientation de la Ville de Sorel-Tracy à l’égard de la diffusion des avis publics est décevante, mentionne M. Chartier. Quand il est question d’informer les citoyens sur les décisions et les orientations qui les concernent, une municipalité ne devrait jamais se contenter du strict minimum. Elle devrait toujours chercher à en faire plus que pas assez. C’est une question de bonne gouvernance et de transparence. Rien n’empêche légalement les municipalités de maintenir le statu quo pour la publication des avis légaux, sinon une volonté politique de réduire sciemment le droit du public à l’information. Croire ou affirmer que les citoyens iront désormais consulter régulièrement les avis publics sur le site Internet des municipalités, ce n’est rien de moins que de la pensée magique. »

De son côté, Louis Latraverse ne voit pas un problème de transparence dans ce geste.

« Aujourd’hui, le taux de pénétration d’internet est à plus de 90% dans les foyers. Ce n’est plus un obstacle. Les citoyens concernés par les avis publics sauront où les trouver », souligne le porte-parole de la Ville.

Une décision qui appartient à chaque municipalité

Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Drummondville, Alexandre Cusson, n’a pas voulu commenter directement la décision de la Ville de Sorel-Tracy.

« Ce que la loi 122 permet de faire, c’est d’opter pour un mode de publication des avis publics le plus adapté au milieu de chaque municipalité, commente-t-il. Certaines choisiront le statu quo, d’autres n’ont pas encore décidé, d’autres vont y aller de façon hybride. Une municipalité est un gouvernement de proximité qui prend ses décisions en fonction de sa réalité locale. »

M. Cusson dit comprendre l’enjeu important que représente la publication d’avis publics dans les journaux régionaux. À Drummondville, le conseil se dirige vers une formule hybride entre le web et le papier. « On sait que les avis publics, ça représente de 5 à 10 M$ au Québec dans les journaux. Il y a un enjeu, on le comprend. Ceci étant dit, les journaux sont indépendants. L’hebdo doit se demander comment s’adapter, il ne devrait pas dépendre des villes », croit-il.

« Il devrait aussi y avoir une façon plus claire et plus précise de présenter les avis, ajoute M. Cusson. Avec l’encadrement juridique en ce moment, ils sont difficiles à saisir. »

Le porte-parole de l’UMQ, Patrick Lemieux, soutient que Sorel-Tracy n’est pas la première ville à aller en ce sens. « Selon les informations que nous avons, à part Sorel-Tracy, La Malbaie a modifié son règlement sur les avis publics. Châteauguay et Magog sont en voie de le faire. Il y a cependant probablement d’autres municipalités dans la même situation, nous n’avons pas fait de recension exhaustive », écrit-il par courriel.

Le député péquiste de Richelieu, Sylvain Rochon, espère quant à lui que le gouvernement aidera financièrement les médias locaux.

« Je suis heureux de voir que la Ville de Sorel-Tracy va réinvestir l’argent dans l’hebdo local. Toutefois, je l’ai dit à l’époque de l’adoption de la loi et je le redis : la disparition des avis publics dans les journaux va appauvrir le public en information. Ma préoccupation est très grande et j’espère que le gouvernement aidera les journaux locaux puisque cette disposition de la loi 122 est néfaste pour l’information locale », exprime-t-il.

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