18 février 2025 - 07:42
Terra incognita
Par: Deux Rives

Maire de Massueville de 2005 à 2021, Denis Marion commente l'actualité en tant que chroniqueur au journal Les 2 Rives depuis décembre 2021. Photo Simon Ménard

Nous voici devant un territoire complètement inconnu. Si la première version d’une présidence de Donald Trump a donné, en 2018, un avant-goût de l’imposition de tarifs douaniers, jamais n’avons-nous été placés devant une volonté de notre voisin du sud de restructurer, en déstructurant l’ordre économique mondial mis en place depuis la Deuxième Guerre mondiale, pour augmenter l’avantage américain.

Le dossier préparé par les journalistes du journal Les 2 Rives nous montre combien notre région est dans l’œil de la tempête. En même temps, il est réconfortant de constater que l’heure n’est pas à la panique, mais plutôt à l’analyse, à une lecture réfléchie de la situation et à la recherche de solutions à court et à moyen terme. Au sein des entreprises, des syndicats, chez les organismes de développement et chez les autorités politiques qui les soutiennent.

Le secteur de la métallurgie, de première et de deuxième transformation, est au centre de notre économie régionale. Il est question d’impacts éventuels sur plusieurs milliers d’emplois, directs et indirects, et sur l’avenir de plusieurs entreprises de dimensions variables.

Depuis les années 1980, l’intégration économique avec notre voisin du sud a fini par créer un marché où les frontières sont progressivement disparues. Le choc des décisions prises actuellement aux États-Unis est d’autant plus grand qu’il remet tout en question très rapidement et, rappelons-le, pour ne pas l’oublier, de manières qui contreviennent aux ententes signées.

Si les mesures de soutien envisagées ont surtout un impact à moyen terme et visent à diminuer la dépendance aux humeurs d’un président américain qui n’est pas fiable, on cherche aussi des solutions pour traverser la période actuelle.

Les efforts de diversification des marchés sont pertinents, mais ne pourront donner des résultats rapides. David Plasse, le directeur général de Développement économique Pierre-De Saurel (DEPS), a raison d’insister sur l’importance des investissements en innovation (numérisation, automatisation, robotisation) pour augmenter la productivité, mais il est essentiel que les gouvernements trouvent aussi le moyen de soutenir les investissements à long terme déjà prévus. C’est un des risques auquel la région est confrontée. Les investissements annoncés pour la décarbonation, essentiels pour assurer la productivité à long terme, se feront-ils dans ce contexte sans certitude? D’autres investissements sont-ils en danger?

On peut penser que le maintien de tarifs hydroélectriques à faibles coûts pour maintenir l’avantage qu’ont nos entreprises sur la compétition internationale devient sérieusement stratégique. La confirmation de l’attribution de blocs d’énergie l’est tout autant.

Concurremment, et pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la situation internationale actuelle, le gouvernement du Québec entend resserrer les mesures liées aux travailleurs étrangers qui créeront une pression supplémentaire sur les plus petites entreprises dans des régions qui, comme la nôtre, sont aux prises avec la rareté sinon une pénurie de main-d’œuvre. Faudrait-il revoir ces mesures?

Les coûts de transport sont la mire. Diversifier les marchés signifie souvent s’éloigner des zones géographiques les plus proches. Ne faudrait-il pas accélérer les investissements renforçant la chaîne logistique de transport qui sont aussi à l’avantage de notre région, les ports et la circulation fluviale, l’intégration des voies ferrées?

La situation actuelle teste la maturité de la région. En temps normal, on s’en réjouirait, on a toujours besoin de relever des défis pour avancer. Mais on aurait aimé que ces défis soient en lien avec les objectifs de développement durable de 2050, pas en réaction aux décisions irrationnelles d’un partenaire économique instable.

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