Un document de 28 pages de la Cour supérieure, daté du 3 septembre, permet d’apprendre que Pier-Olivier Dumas aurait initié des stratagèmes frauduleux pour subtiliser plusieurs sommes « à titre de représailles, suivant le refus de Sébastien Bisaillon de lui permettre d’accéder à l’actionnariat de la demanderesse [BMI] et afin de ne pas «sortir perdant» ».
Sébastien Bisaillon est le propriétaire actuel de BMI. Rappelons qu’en 2021, Gaétan Boisvert lui avait vendu son entreprise. À l’époque, l’information était que Pier-Olivier Dumas était aussi devenu propriétaire de Boisvert Marine. Pourtant, le document du Tribunal indique que ce dernier était directeur général de l’entreprise.
Détails de l’affaire
Dans le document du Tribunal, on apprend que BMI a récemment pris connaissance de l’existence de transactions louches. « À la suite d’un commencement d’enquête effectué par la contrôleuse des comptes de M. Bisaillon, il appert que M. Dumas a détourné pour son bénéfice personnel plus de 3 M$, notamment en modifiant le relevé d’opérations bancaires de BMI. Selon les allégations de cette dernière, cette somme se retrouve dans des comptes bancaires détenus en propre par M. Dumas, par des sociétés qu’il a constituées ou par son conjoint », est-il indiqué dans le document.
Toujours dans le document, il est indiqué que la caisse Desjardins aurait confirmé à la contrôleuse que plusieurs transferts frauduleux auraient été effectués par M. Dumas. Aussi, des fournisseurs auraient été payés par des transferts Interac qui n’étaient pas appuyés de factures. Certains de ces transferts n’auraient pas réellement été faits, ayant plutôt comme destinataires les téléphones cellulaires de M. Dumas et de son conjoint.
Plus précisément, l’entreprise allègue que Pier-Olivier Dumas (et/ou compagnie à numéro) a subtilisé les sommes suivantes : 452 754,13 $ en virements personnels, 17 142,89 $, 16 663,03 $ et 6310 $ en endettements envers BMI, 162 833,35 $ de transferts frauduleux à son conjoint, 212 829,59 $ de travaux pour son compte personnel et 2 598 324,55 $ qu’il aurait admis avoir détourné.
De plus, dans des déclarations sous serment, la contrôleuse affirme que Pier-Olivier Dumas aurait produit plusieurs fausses factures de fournisseur. « À ce jour, le défendeur Dumas m’a personnellement admis pour un montant de 2 598 324,55 $ de transactions frauduleuses. […] J’ai découvert pour plus de 400 000 $ additionnels de transactions douteuses pour lesquelles j’attends toujours des justificatifs du défendeur Dumas », peut-on lire dans le document.
Dans d’autres déclarations sous serment, des employés de BMI soutiennent que Pier-Olivier Dumas « a reconnu avoir subtilisé frauduleusement des sommes à la demanderesse et prétendu avoir des problèmes de jeux et avoir dilapidé l’ensemble des sommes diverties au casino en Floride, depuis le début de l’année 2024 ».
Pier-Olivier Dumas conteste vigoureusement
De son côté, Pier-Olivier Dumas conteste plusieurs des allégations. Dans une déclaration sous serment qu’il a fournie à notre journaliste, il nie avoir admis avoir détourné plus de 2,5 M$ de fonds de la demanderesse et nie formellement lui devoir ce montant et encore moins un montant de l’ordre de 3 M$.
Dans le document, il soutient l’existence de « plusieurs pièces permettant d’expliquer et de justifier plusieurs transactions alléguées effectuées au seul bénéfice de la demanderesse, qui sont en possession de la demanderesse et auxquelles je n’ai pas accès ».
Par écrit, M. Dumas a dit à notre journaliste n’avoir « aucun commentaire pour l’instant sur le dossier, car jusqu’à ce jour, aucune preuve ou document n’ont été déposés à mes avocats et que des interrogatoires sont à venir ».
« La situation est plutôt que j’ai découvert, en avril, que mes partenaires me cachaient la vente de mon entreprise, ce à quoi j’ai répliqué en faisant une offre pour les racheter, mais ils étaient trop avancés avec l’autre acheteur pour négocier avec moi », a-t-il écrit.
De plus, il affirme que Gaétan Boisvert lui avait offert d’acheter son entreprise en 2021. « Je me suis donc tourné vers Sébastien Bisaillon qui m’avait déjà démontré un intérêt à investir dans la compagnie. Jusqu’à la transaction le 1er décembre 2021, tout se déroulait bien. Par contre, par la suite, aucun de ses engagements n’a été respecté. Aujourd’hui je n’ai plus mon entreprise qu’on m’a volée », a écrit Pier-Olivier Dumas.
Le Tribunal octroie des ordonnances
Le Tribunal affirme que les allégations de BMI ne sont ni vagues ni imprécises et qu’elles ne relèvent pas du soupçon ni de l’hypothèse. « Les allégations et la preuve documentaire de BMI s’avèrent plus importantes et plus convaincantes que les allégations de M. Dumas. […] Les pièces déposées au soutien des déclarations sous serment démontrent, elles aussi, l’existence de détournements par M. Dumas de fonds appartenant à BMI pour le bénéfice du Groupe Dumas », est-il écrit dans le document.
Le Tribunal admet donc qu’il y a une apparence de droit. « Bien que Pier-Olivier Dumas disait vouloir rembourser cette somme en partie, il ne révèle que partiellement des informations et, en outre, avec grande réticence. Ses affirmations sont invraisemblables et contradictoires, de sorte qu’il ne collabore pas de bonne foi avec BMI », lit-on dans le document.
Finalement, face à ces transactions que BMI qualifie de « frauduleuses », l’entreprise a demandé au Tribunal de rendre des ordonnances de type Mareva et Norwich afin de faciliter la quête d’informations pour l’avancement du dossier. Le Tribunal a conclu que les demandes satisfaisaient aux critères. Les ordonnances étaient accompagnées d’une durée limitée de 30 jours.
Appelé à commenter la situation, le propriétaire de BMI, Sébastien Bisaillon, a poliment refusé étant donné les procédures en cours.
Gaétan Boisvert contre Boisvert Marine
En parallèle, dans un document de cour, on apprend que le Tribunal a ordonné Boisvert Marine à verser la somme de 1 280 000 $ à l’ancien propriétaire Gaétan Boisvert. Comme convenu dans la convention de vente intervenue le 1er décembre 2021, l’entreprise devait verser ce montant, qui représente la retenue d’indemnisation, le 1er décembre 2023. Ce qui n’avait pas été fait. Gaétan Boisvert n’a pas voulu répondre aux questions de notre journaliste.
Ordonnance Mareva
Le Tribunal ordonne notamment aux institutions financières mises en cause de communiquer à la demanderesse une liste des actifs des défendeurs.
Ordonnance Norwich
Le Tribunal ordonne notamment aux défendeurs de ne pas se départir d’aucuns fonds ni argent provenant de tout détournement de fonds perpétré à l’encontre de la demanderesse et qui auraient pu être virés ou déposés, au nom de l’un d’eux ou d’une autre identité sous leur contrôle, dans une des institutions financières mises en cause, ou dans une autre institution financière, ou chez quiconque d’autre, sous quelque forme de placement ou d’investissement que ce soit.