Quelques jours après le terrible tremblement de terre qui a fait plus de 44 000 morts – et le décompte continue malheureusement de grimper – en Turquie et en Syrie, l’entrepreneur sorelois Hasan Cocelli a encore de la difficulté à parler de ce drame survenu le 6 février. Un séisme de magnitude 7,8 a frappé à 4 h 17 le matin, puis un autre de magnitude 7,5 a frappé quelques heures plus tard.
Né à Çöçelli, un village tout près de Pazarcik situé dans la province de Kahramanmaraş en Turquie, Hasan Cocelli est arrivé au Canada en 1993, à l’âge de 10 ans. Aujourd’hui âgé de 40 ans, le résident de Sorel-Tracy retourne fréquemment dans son pays d’origine. Sa maison familiale est encore là-bas et il s’y rendait tous les étés avant la pandémie.
« Notre village a été relativement épargné puisqu’on est au pied d’une montagne et c’est une région rocheuse, mais c’est dans les grandes villes que ç’a frappé fort. Ma voisine a perdu sa fille de 16 ans qui était en ville chez sa tante. Beaucoup de connaissances ont perdu leurs maisons », raconte le copropriétaire de Pizza Sema, Bonbon Dila et Jim’s Rôtisserie & Shish Taouk.
La famille de sa conjointe Seyret, aussi d’origine turque, a heureusement été épargnée. « Tout le monde va bien physiquement, mais mentalement, c’est difficile parce que ça bouge encore. Tous les jours, il y a des petits tremblements de terre de [magnitude] 3 ou 3,5. Ils ont peur de rentrer dans les maisons et ils choisissent de dormir à l’extérieur même s’il fait froid », relate Hasan Cocelli.
Il veut aider
Comme sa maison est toujours intacte, Hasan Cocelli a décidé de la prêter à une famille qui avait tout perdu. « C’est des connaissances de mes parents, on leur a laissé les clés. On leur a dit : « allez habiter là en attendant ». »
En avril, il prévoit s’y rendre avec ses parents pendant environ un mois, alors que sa conjointe restera à Sorel-Tracy avec leurs trois enfants. La belle-sœur d’Hasan a démarré une campagne de sociofinancement via GoFundMe et il compte aller remettre l’argent en main propre à des familles dans le besoin.
« En ce moment, c’est le chaos, c’est difficile s’y rendre, donc ça devrait être en avril. Si je peux aider quelqu’un, je vais aider. Ma famille n’a besoin de rien. Je vais choisir des familles que je ne connais pas, mais qui ont tout perdu, que ce soit des biens matériels ou des membres de leur famille. Si je ramasse par exemple 30 000 $, je pourrais choisir 30 familles et leur donner 1000 $ chacune. Oui il y a des organismes, mais de l’argent se perd là-dedans, alors je veux le faire directement », explique M. Cocelli, qui assure vouloir aider quelques personnes qu’il connaît « vraiment bien » avec son propre argent.
Des secours qui ont tardé
Alors que des secours sont arrivés environ 24 heures après le tremblement de terre dans les grandes villes, il aura fallu plus de 48 heures pour secourir les résidents pris sous les décombres dans les villages un peu plus éloignés.
« D’habitude en hiver, on tombe dans les +4°C ou +6°C, il va mouiller un peu, mais cette année malheureusement, il faisait des -10°C ou -8°C la nuit avec de la neige. Ça n’a pas aidé, surtout si tu es vivant sous les décombres. Dans la nuit, on s’entend que tu ne dors pas avec un manteau. Certaines personnes âgées qu’on connaît sont mortes de froid », regrette M. Cocelli.
En début de semaine dernière, quelques personnes étaient encore sauvées des décombres, mais l’espoir s’amincissait de jour en jour. « J’ai parlé avec un cousin il y a deux jours et il m’a dit qu’ils ne sont plus capables d’entrer dans les villes tellement que ça sent le cadavre. Ils sont en train de faire le nettoyage… les sauvetages, c’est fini. »
Le Sorelois s’insurge du fait que ce n’est plus l’armée qui intervient lors de tremblements de terre, comme ç’a été le cas en 1999 lors d’un séisme dans une autre région de la Turquie qui avait fait plus de 17 000 morts.
« L’armée est équipée pour ça et elle a assez d’effectifs. Maintenant, c’est un organisme qui s’occupe des catastrophes naturelles et il était mal organisé. Il y a eu un manque de communication. Chaque citoyen paie une taxe supplémentaire pour les tremblements de terre, ça ne donne pas grand-chose. Une chance que d’autres pays ont aidé », soutient Hasan Cocelli, qui se demande comment sera le futur pour les personnes à la rue.
« Il y a plein de gens qui n’ont pas d’endroit où rester et qui sont sous des sortes d’abris tempo avec un poêle à bois. Ils ont reçu des vêtements et attendent d’autre aide humanitaire, mais après, il va se passer quoi? Dans un mois, ces gens-là vont faire quoi? Il n’y a pas d’aide sociale là-bas. Les trois quarts des personnes n’ont pas d’assurances de tremblement de terre, plusieurs vont se retrouver à la rue », conclut-il.