19 avril 2022 - 07:00
Un uniforme?
Par: Louise Grégoire-Racicot

Depuis le début des années 80, Louise Grégoire-Racicot pose son regard sur la région comme journaliste à travers les pages du journal Les 2 Rives. Depuis février 2018, à titre de chroniqueuse, elle livre maintenant chaque semaine son opinion sur l'actualité régionale.

Le conseil d’établissement de l’École secondaire Bernard-Gariépy (ÉSBG) a tranché : les élèves devront, dès septembre 2022, porter un demi-uniforme! Un comité d’élèves en déterminera les modalités. Drôle de décision!

Mais elle me plait à moitié, car porter l’uniforme a toujours été une contrainte pour moi qui l’ai subi tant à l’école primaire, chez les Jeannettes et les guides, qu’au collège. Je ne m’y reconnaissais pas. Je ne m’y conformais pas systématiquement. Pas que j’étais marginale. Juste besoin d’être moi, de ne pas disparaître dans le lot. D’où ma surprise devant l’engouement d’une majorité de parents de l’ÉSBG pour cette idée.

Ils ont évoqué plusieurs motifs valables : coûts élevés des vêtements et leur hypersexualisation, atténuation des disparités sociales via l’habillement, difficulté de faire respecter le code vestimentaire actuel, sécurité accrue dans le va-et-vient des élèves, meilleur sentiment d’appartenance.

Curieusement, l’école n’a pas d’abord consulté les élèves. Les parents le feraient avant de répondre au sondage présidant cette démarche, estimait-elle. Comme si les ados s’habillaient comme le souhaitent leurs parents. Comme si l’école différait du milieu dans lequel elle s’inscrit. Comme si être bien dans les vêtements qu’on choisit n’était pas un élément de communication essentiel à la confiance en soi!

Convenons cependant que tous les styles vestimentaires ne conviennent pas partout. S’habiller en Lolita ou en rocker est plus acceptable dans une soirée thématique qu’à l’école.

Se vêtir est toujours une façon de se présenter aux autres. L’uniforme renforce-t-il la personnalité de chacun ou la fond-il dans un tout? C’est vrai qu’il permet probablement d’atténuer le monde des apparences et la gloriole des marques qui empoisonnent souvent les relations humaines. Mais tient-il compte de la pluralité des gens? De leur personnalité?

Nul doute qu’il traduit l’appartenance à un groupe. Mais il faudra beaucoup plus pour qu’elle soit vraiment substantielle. Elle découlera d’un vécu collectif significatif. Ce que l’école publique est en mesure de proposer. J’y ai toujours cru. Ce pourquoi mes fils l’ont fréquentée.

On entend aussi dire que les uniformes coûteraient moins cher. C’est à voir. Plusieurs écoles publiques l’ont adopté au cours des dernières années. Mais celui qui porte l’uniforme n’échappe pas pour autant à la moquerie, voire à l’intimidation. Des parents en témoignent.

Que cherche-t-on à l’ÉSBG? Éduquer? Marquer la distinction entre les loisirs et l’étude? Rappeler quotidiennement la vocation spécifique et les règles de l’école? Uniformiser ces jeunes plus individualistes? Les discipliner parce leurs parents ont perdu l’autorité sur eux? Camoufler les inégalités socio-économiques flagrantes de la collectivité ou leurs différences culturelles? Simplifier la routine du matin? Ou les rendre plus enclins à accepter ce conformisme?

Chose certaine, l’uniforme lui seul ne peut changer les choses. L’école a déjà un code vestimentaire clair. Peut-être faudrait-il l’amender, faire en sorte que les élèves se l’approprient mieux.

Si c’est son image que l’école veut améliorer – pour mieux concurrencer celle des écoles privées – c’est de la rigueur qu’elle devra démontrer, de la cohérence, et ce, en lien étroit, direct avec ses élèves. Pour ne pas s’isoler. Mais comment donnera-t-elle une image d’ouverture tout en imposant un uniforme?

L’école publique doit trouver ses propres moyens de se démarquer. Mais j’opterais pour le code vestimentaire plutôt que pour l’uniforme. Un exercice peut-être plus exigeant pour les éducateurs, mais une excellente façon pour les jeunes d’apprivoiser la liberté.

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