15 juin 2021 - 12:47
Douzième féminicide au Québec
Une Contrecœuroise assassinée par son ex-conjoint qui n’acceptait pas leur rupture
Par: Alexandre Brouillard

Les deux corps inanimés ont été découverts peu avant 11 h, le 9 juin dernier, dans une résidence de la route Marie-Victorin, à Contrecœur. Photo Alexandre Brouillard | Les 2 Rives ©

N’acceptant pas leur rupture qui datait de quelques mois, David Joly, 49 ans, a commis l’irréparable en tuant son ex-conjointe, Lisette Corbeil, 56 ans, puis en s’enlevant la vie par la suite, portant à 12 le nombre de féminicides depuis le début de l’année au Québec.

Un peu avant 11 h, le mercredi 9 juin, des patrouilleurs de la Régie intermunicipale de police Richelieu‒Saint-Laurent sont intervenus dans la résidence de Lisette Corbeil, sur la route Marie-Victorin, à Contrecœur, où ils ont découvert deux corps inanimés.

Mme Corbeil était étendue au sol du rez-de-chaussée avec une blessure à la tête, à l’arrivée des patrouilleurs. Les policiers ont par la suite trouvé M. Joly pendu à l’étage. L’homme de 49 ans s’était enlevé la vie après avoir commis le meurtre.

S’inquiétant d’être sans nouvelles, le nouveau conjoint de Mme Corbeil avait demandé à sa fille de se rendre à son domicile pour s’enquérir de son état. C’est à son arrivée qu’elle avait fait la macabre découverte.

Mme Corbeil et M. Joly étaient séparés depuis quelques mois après une vingtaine d’années de vie commune. Ils n’habitaient plus ensemble et n’avaient pas d’enfants. La femme de 56 ans était nouvellement en couple avec un autre homme.

Selon différents médias, Lisette Corbeil craignait pour sa sécurité. Elle avait même demandé à la police de saisir les armes de son ex-conjoint, qui était dans un état mental perturbé.

En effet, il avait été hospitalisé en psychiatrie, l’automne dernier, après avoir menacé de se suicider. À ce moment, ses équipements de chasse avaient été saisis par prévention.

Selon un document de la Cour, le juge Denys Noël avait ordonné à M. Joly, en janvier dernier, de renoncer à ses cinq armes, ses munitions et ses permis. La procureure à la Couronne Geneviève Beaudin avait indiqué que l’interdiction de possession d’armes allait être valide « jusqu’à la fin août, pour s’assurer que son état médical soit mieux », peut-on lire dans l’ordre de la Cour.

Des autopsies seront pratiquées au laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal.

Connus à Contrecœur

Selon son profil LinkedIn, Lisette Corbeil était directrice des projets stratégiques à la Chambre de commerce et d’industrie de la Rive-Sud (CCIRS). Elle avait également été à l’emploi de la Ville de Contrecœur, de 2015 à 2020, à titre de directrice du Service de développement économique. Elle était également impliquée dans la communauté de sa ville comme administratrice de Rues principales Contrecœur depuis près de cinq ans et à la Colonie des Grèves depuis environ quatre ans. Elle s’était également impliquée auprès de l’Association Chasse et Pêche Contrecœur

David Joly était quant à lui président de l’Association chasse et pêche de Contrecœur. Poste qu’il avait quitté en novembre 2020 pour des « raisons personnelles », selon une publication Facebook de l’organisme. Il avait également organisé le Festival de la brimbale de Contrecœur de 2016 à 2019.

Malgré son implication importante dans la communauté contrecœuroise, Mme Corbeil semblait discrète avec ses voisins. « Elle ne faisait pas de bruit dans le voisinage, qui est d’ailleurs habituellement très calme », mentionne une voisine qui préférait conserver l’anonymat.

« Je ne la connaissais pas personnellement, mais Mme Corbeil était toujours gentille et très chic. Elle était appréciée par les gens du quartier qui la connaissaient », souligne Roch Bernier, un autre résident du voisinage.

Pluie d’éloges

« C’est une onde de choc et un tsunami, affirme d’emblée Maud Allaire, mairesse de Contrecœur, qui a côtoyé professionnellement Lisette Corbeil pendant plus de deux ans. C’est une femme qui a fait sa marque, une femme intelligente qui a défoncé des plafonds de verre. »

Elle souligne aussi que David Joly était « très impliqué dans l’association de chasse et pêche. Il s’impliquait avec ardeur et il était toujours présent pour faire rayonner la ville de Contrecœur ».

« Nous sommes actuellement en gestion de crise, confie Lucie Tremblay, une collègue de Mme Corbeil à la CCIRS. Nous sommes tous dévastés par la perte de notre collègue. Nous demandons à nos membres d’être solidaires. »

Suzanne Dansereau, députée caquiste de Verchères et ex-mairesse de Contrecœur de 2001 à 2017, a également réagi sur sa page Facebook. « Lisette Corbeil, ma voisine, mon amie, mon ex-collègue, je vois bien ce matin que ton départ subit nous plonge tous dans la consternation. On revoit toutes et tous des moments qui caractérisaient ton dévouement, ton appartenance, ton implication sans fin au bien être des gens de chez nous », écrit-elle.

Le député de Pierre-Boucher-Les Patriotes-Verchères, Xavier Barsalou-Duval, a lui aussi exprimé sa solidarité. « Lisette Corbeil et David Joly étaient tous deux des citoyens très engagés dans la vie contrecoeuroise. Ayant eu la chance de les côtoyer à de nombreuses reprises depuis que j’exerce mes fonctions, je ne peux cacher qu’il s’agit pour moi d’un choc. Compte tenu des circonstances de cette tragédie, le deuil sera d’autant plus difficile à vivre pour la communauté », exprime-t-il dans un communiqué.

L’équipe du centre de femmes Entre Ailes, qui aide les femmes dans la MRC de Marguerite-d’Youville, avait le coeur lourd au lendemain du drame. « Nous sommes bouleversés par la nouvelle de ce douzième féminicide sur notre territoire d’action. En tant que femmes engagées, nos travailleuses se battent au quotidien pour dénoncer les violences faites aux femmes », confie Nadia Teixeira, responsable des communications du centre de femmes Entre Ailes, dans un communiqué.

Les membres de la nouvelle équipe de hockey de Contrecœur, les Mustangs, ont également témoigné leur soutien envers la famille et les proches de Lisette Corbeil. « Nous sommes de tout coeur avec vous et la grande famille des Mustangs désire également montrer son soutien envers toutes les femmes qui vivent de la violence conjugale », peut-on lire sur une publication Facebook.

L’Association Chasse et Pêche Contrecœur était également sous le choc et en pleine incompréhension face au drame. « L’organisation dénonce tous gestes violents commis envers une autre personne, dont ceux perpétrés par notre ex-président, David Joly, contre une citoyenne engagée dans sa communauté », affirme l’Association dans un communiqué, tout en offrant ses condoléances aux familles et membres éprouvés par ce drame.

Une marche commémorative organisée par la Maison La Source en mémoire de Lisette Corbeil et des 11 autres femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2021 se déroulera au carré Royal, à Sorel-Tracy, le mercredi 16 juin, à 18 h. En signe de solidarité, les participantes et participants sont invités à porter le ruban blanc ou un vêtement blanc.

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