Lors de la première semaine, 54 % des élèves, soit environ 90, ont fait leur retour à cette école primaire de Saint-Roch-de-Richelieu. Les élèves qui arrivaient par petits groupes dans la cour d’école semblaient avoir fait ça toute leur vie.
Vers 7 h 45, Monsieur Éric, enseignant d’éducation physique, guide les élèves à l’entrée de la cour et leur rappelle la règle des deux mètres. Les jeunes se dirigent ensuite vers la porte en suivant des repères peints sur le sol. Près de la porte, une enseignante distribue du désinfectant pour les mains. Un à la fois, les élèves enlèvent leurs petits gants en cette journée presque automnale pour bien se désinfecter les mains. Ils entrent ensuite et se dirigent directement à leur classe, à leur place. Plus d’arrêt aux vestiaires; ils conservent leurs chaussures et garderont leurs manteau, boite à lunch et sac à un endroit bien déterminé dans leur local.
Normalement, trois autobus suffisent pour apporter les enfants à l’école, en plus de ceux qui s’y rendent à pied. Maintenant, il y a quatre voyages pour s’assurer de respecter la distanciation physique. Ce qui permet aussi d’avoir moins d’enfants à la fois dans la cour.
Dans la classe de maternelle de Madame Joanie, chaque élève est accueilli de la façon de son choix. Il peut, entre autres, danser et envoyer un câlin ou des bisous à distance.
Dorénavant, au lieu de se placer au sol sur un grand tapis, les enfants s’assoient à un bureau. Comme le groupe est composé de huit élèves plutôt que de 12, les bureaux ont été positionnés pour former quatre longs îlots, avec un élève à chaque extrémité. Chacun a son matériel dans un bac sur son pupitre, ainsi qu’un petit espace repos avec un tapis de sol à côté.
« Le gros changement, c’est au niveau de la routine du matin. C’est différent pour eux d’être assis à un espace bureau. La position, la posture, ce sont toutes des choses qu’on va travailler, mais la période s’y prête bien. Comme on est en fin d’année et qu’ils s’en vont en première année, ça va être comme un apprentissage », souligne l’enseignante Joanie Boisvert.
Après qu’ils aient dessiné dans leur cahier de passe-temps, Madame Joanie appelle l’élève du jour à se rendre à l’avant de la classe. Elle rappelle bien de ne pas passer trop près des autres amis. Avec le nom de l’ami du jour, ils révisent des lettres.
« D’habitude, quand on découvre une nouvelle lettre, on est en cercle tout le monde ensemble. Il y a une histoire, on plonge dans l’eau, etc. Mais là, il faut tout adapter. On essaie de garder le côté ludique quand même, surtout avec les petits », explique l’enseignante.
Quelques fois dans l’avant-midi, Madame Joanie doit rappeler de ne pas trop s’approcher des autres amis et de ne pas la toucher quand ils ont une question.
« C’est sûr que ça reste des enfants. Il faut le redire. Si j’ai des choses à faire plus près, j’ai la possibilité d’avoir un masque. Ils nous en ont fourni, mais je me sens en sécurité là-dedans », précise Joanie Boisvert.
Avant la collation, l’enseignante questionne les amis sur la durée d’un lavage de main. Certains s’en souviennent. À tour de rôle, ils se lavent les mains. La veille, elle a réalisé un exercice avec des paillettes sur les mains pour démontrer l’importance de bien les frotter pendant le lavage.
Trois plages horaires de récréation ont été créées, avec quelques minutes entre chacune, pour diminuer le nombre d’élèves dans la cour et éviter qu’ils se croisent dans les corridors. Le dîner est séparé en deux blocs. Pendant qu’une partie des élèves dînent dans leur classe, l’autre sort se dégourdir les jambes.
Pendant la récréation et l’heure du dîner, des membres du personnel surveillent les élèves. Lors de la récréation du matin, ils ont dû rappeler à plusieurs reprises la mesure du deux mètres. Mais les élèves ne bronchent pas, ils s’éloignent. Lors de notre visite, nous avons aussi croisé à maintes reprises le concierge, qui effectuait différentes tâches comme le remplissage des contenants de désinfectant.
L’après-midi, la routine recommence.
Un retour bien préparé
« On était tellement préparés qu’honnêtement, ça pouvait seulement bien se passer », affirme Joanie Boisvert.
Elle a aussi été surprise de voir à quel point les élèves se sont rapidement replongés dans le bain. « On a fait un bon travail avec les trousses à la maison, ça paraît qu’il y en a qui les ont travaillées », constate-t-elle.
Pour les cinq semaines et demie qu’il reste à l’année scolaire, une consolidation de la matière déjà vue sera réalisée et on procédera à quelques nouveaux apprentissages. Les trousses pédagogiques seront aussi envoyées aux élèves à la maison.
Certaines des nouvelles mesures plaisent bien à l’enseignante. Par exemple, les enfants arrivent plus tôt et ne passent plus au vestiaire, ils sont plus rapidement en classe. « Le temps d’enseignement est bonifié », confie-t-elle.
Aussi, pour sa classe, elle aime que les élèves doivent développer leur autonomie en s’occupant de leur espace.
Et les plus vieux?
Les plus grands étaient aussi bien contents de revoir leurs amis.
«J’avais hâte de retourner à l’école parce que chez nous, je n’avais plus rien à faire à part me chicaner avec mes frères. En classe, ça va mieux parce qu’on est moins. C’est plus facile d’apprendre. Mais on ne peut plus faire de rassemblements. La course des pompiers de l’an passé, on ne peut plus la faire », raconte Maxim Legris, élève de 6e année. Le bal et la sortie de fin d’année sont aussi annulés pour les finissants.
« Hier (le 11 mai, lors de la rentrée), c’était un peu compliqué parce que je trouvais ça plate de ne pas être proche de mes amis. Normalement, je suis colleuse. Hier, je l’ai oubliée [la règle du deux mètres], mais ce matin, je souriais à tout le monde », ajoute Anna-Ève Tessier, élève de 5e année.
Victor Boutet, élève de 4e année, était nerveux à l’idée de ne pas pouvoir être près de ses amis. « On fait des courses, on essaie de se tenir le plus loin possible », raconte-t-il.
Il aime cependant pouvoir dépenser son énergie, même en classe. « Le midi, il y avait une prof qui mettait de la musique. On pouvait danser à notre place. C’était cool! », lance-t-il.
La clé du succès : l’organisation
Dès que son école a dû fermer ses portes, le directeur de l’École Saint-Roch, Maxim Bonin, pensait déjà à la réouverture. Pendant qu’il n’y avait que le concierge et lui entre les murs de l’école, des mesures étaient prises pour accueillir les élèves en sécurité le temps venu.
Une des premières étapes après l’annonce de la réouverture était de vérifier quels membres du personnel revenaient au boulot. Ensuite, il fallait s’assurer que les locaux répondent aux demandes de la santé publique.
En trois jours, tous les parents avaient rempli le formulaire en ligne concernant le retour ou non de leur enfant. Les effets de ceux qui ne revenaient pas ont été placés dans le gymnase et une journée a été organisée, avant la rentrée, pour qu’un parent puisse venir avec son enfant les chercher. Les enseignants ont ainsi pu dire un dernier au revoir à leurs élèves qui feront l’école à domicile.
La semaine avant le retour des élèves, les enseignants et la direction ont planifié les horaires de surveillance, préparé une vidéo explicative pour les enfants et discuté de l’enseignement en petit groupe. Les enseignants ont aussi pu organiser leur classe. Une enseignante à été attitrée pour soutenir les élèves avec les leçons à la maison. Une plateforme en ligne permet d’aller récupérer les outils pédagogiques.
« Avec toute cette planification, on est arrivé lundi et ç’a bien été. Les enfants savaient où aller parce qu’ils avaient déjà eu les infos. De notre côté, c’était de les mettre en application », souligne Maxim Bonin.
Même si les jeunes ne peuvent partager leurs choses et doivent se tenir loin des autres, le directeur remarque beaucoup de sourires.
« C’était réalisable. Il y a des gens qui ont pensé que c’était impossible. Moi je trouve que ça se faisait bien », avance-t-il, en remerciant son équipe pour sa collaboration.
Il note qu’une bonne partie des élèves ayant plus de difficultés ont réintégré les bancs d’école. M. Bonin est convaincu que les prochaines semaines seront bénéfiques pour eux.
Une procédure a aussi été mise en place pour s’occuper d’un enfant qui serait atteint de la COVID-19. Si l’enfant ou quelqu’un de son entourage a des symptômes, il doit rester à la maison et les parents doivent avertir l’école. Ce que l’enfant aurait pu toucher sera désinfecté.
« Si ça se produit à l’école, on a un protocole d’intervention. On sait comment s’habiller pour prendre l’enfant en charge. C’est vraiment de l’accompagnement parce que le parent va venir le chercher. On doit s’assurer qu’il va bien, mais quand même se protéger », mentionne M. Bonin.
Des mesures à conserver
Le directeur s’attend à ce que certaines mesures demeurent, même si la situation s’apaisait. « J’ai l’impression que ça va changer notre philosophie. Il y a un volet nettoyage et une pensée sanitaire qui seront ancrés dans nos pratiques », explique-t-il.
Il croit aussi que cette période de retour en classe aidera à se préparer pour la rentrée de septembre. Ainsi, ils sauront quoi modifier et prévoir lorsque les élèves seront plus nombreux.