12 mars 2024 - 08:23
Une hydre à deux têtes?
Par: Louise Grégoire-Racicot

Depuis le début des années 80, Louise Grégoire-Racicot pose son regard sur la région comme journaliste à travers les pages du journal Les 2 Rives. Depuis février 2018, à titre de chroniqueuse, elle livre maintenant chaque semaine son opinion sur l'actualité régionale.

Curieuse cette décision de Québec de retirer aux MRC la gestion de la collecte sélective en janvier prochain. C’est éloigner les citoyens d’un gestionnaire de proximité! Pas certaine que c’est une bonne chose.

Car pour toute question ou plainte au sujet des bacs bleus, ils devront désormais rejoindre Éco Entreprises Québec (ÉEQ) désignée pour gérer cette collecte sur tout le Québec. Les MRC demeurent cependant responsables des cueillettes de déchets (bac noir) et des matières putrescibles (bac brun).

L’objectif est légitime : améliorer les résultats. On sait bien que récemment les citoyens sont moins enclins à bien trier leurs déchets, ici comme ailleurs. Dans la MRC de Pierre-De Saurel, on avait, en 2022, enregistré une baisse de 50 % des matières recyclables, donc gonflé les coûts d’enfouissement et diminué les redevances sur les matières recyclées. C’est trop.

On cherche aussi à uniformiser la cueillette et la consigne. Car jusqu’à maintenant, chaque MRC définissait à sa manière les déchets recyclables, ce qui causait des problèmes de qualité, de disposition et de remise en circulation des produits recyclables. Désormais, ÉEQ établira les critères de sélection. Comme si l’uniformisation des matières recyclables serait impossible à exiger des MRC!

Ce faisant, Québec procède une fois de plus à une centralisation des pouvoirs locaux. Car localisé plus loin, ce gestionnaire ne connaîtra pas les besoins des gens d’ici. On peut même penser que ses décisions seront guidées par des économies d’échelle seulement. Ce qui n’assure en rien leur bien-fondé. On l’a bien vu en matière de santé où les centres de décision sont très loin du terrain. Il en résulte souvent en une diminution de services locaux. Mais ces super organisations sont certainement utiles aux ministres pour ne plus avoir à répondre des situations auxquelles ils sont confrontés tant par des citoyens, que des organismes ou journalistes.

À la suite de cette nouvelle approche, la MRC a dû réviser le contrat qui la liait depuis plusieurs années à EBI de Berthierville pour la cueillette et le transport de tous les déchets domestiques peu importe leur teneur. Un service qu’on peut estimer fort satisfaisant et dont le contrat valait encore pour deux ans. Ce faisant, Québec envoie-t-il un message de non-confiance et d’insatisfaction tant aux responsables du dossier à la MRC – qui le gèrent depuis 15 ans – qu’au fournisseur de service? Bien non, dira le député.

Et le comble? La MRC aura la tâche d’aller en appel d’offres pour la cueillette et le transport de ces recyclables! ÉEQ traitera avec les centres de tri. C’est ce qu’on appelle de la modernisation. Le demandeur de service n’en gérera pas la dispense!

On veut compiler toutes les informations sur les matières, leur volume, leur traçabilité. Comme si c’était la seule façon de le faire. Mais l’informatique ne permettrait-elle pas la compilation des résultats des MRC?

On leur laisse cependant la sensibilisation des citoyens pour atteindre de meilleurs résultats. Poursuivra-t-elle ces publicités publiées à ma grande surprise dans La Presse où elle traite succinctement de recyclage? Démarrera-t-elle une énième campagne intensive d’éducation populaire?

Moi l’optimiste, pour une fois, je suis carrément sceptique du bien-fondé de cette façon de faire. Je crains qu’elle façonne une autre hydre à deux têtes, cet animal mythique qui renait en dépit des efforts faits pour l’éradiquer.

image
image