24 avril 2024 - 08:37
Avec son mari atteint d’Alzheimer précoce
Une Soreloise dénonce le manque d’aide financière dédiée aux proches aidants
Par: Alexandre Brouillard

Geneviève Coutu (à gauche) prend soin de son mari Louis Lafrenière, qui souffre d’Alzheimer précoce. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Geneviève Coutu garde plusieurs photos près du lit de son mari Louis Lafrenière pour se remémorer de bons souvenirs. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

À 51 ans, le diagnostic tombe comme un coup de marteau pour Louis Lafrenière : il est atteint d’Alzheimer précoce. Du jour au lendemain, sa femme Geneviève Coutu devient proche aidante. Quatre ans après cette annonce fatidique, la Soreloise déplore le manque d’aide financière disponible pour les proches aidants, souhaitant ainsi paver la voie aux personnes qui vivront la même situation dans le futur.

Lorsque rencontrée par notre journaliste, Geneviève Coutu a admis d’emblée ne pas chercher un quelconque montant ou la compassion du public. Son objectif se veut plutôt noble, soit informer les gens qu’une faille existe dans l’aide apportée par l’État pour les proches aidants.

Ainsi, en médiatisant son histoire et celle de sa famille, elle espère que de nouveaux programmes financiers soient disponibles dans le futur. Parce que depuis quatre ans, aucun aspect de son quotidien n’est enviable : elle s’occupe à temps plein de son mari de 54 ans atteint d’Alzheimer précoce. Elle s’occupe de son hygiène, elle doit l’habiller, le faire manger, etc. Elle doit même le surveiller parce qu’actuellement, il agit comme un enfant d’environ six mois.

Pourtant, au début de leur relation il y a six ans, rien ne laissait présager un tel dénouement au couple. Mis à part l’historique d’Alzheimer dans la famille de Louis.

« J’avais commencé à remarquer certains signes qui ne mentent pas, comme des difficultés à gérer ses finances. Il a même tenu le tuyau d’arrosage pendant six heures pour remplir la piscine, croyant qu’elle se remplirait plus vite. […] Puis, après consultation, on pensait que c’était peut-être la maladie de Pick, mais c’était finalement l’Alzheimer précoce », relate la femme de 47 ans.

L’état de son mari s’est rapidement dégradé. Le verdict est tombé lorsqu’il était âgé de 51 ans, mais le neurologue croit que la maladie a commencé vers 46 ou 47 ans. « La maladie s’est développée à une vitesse exceptionnelle. Son neurologue, qui est très réputé, n’avait jamais vu ça », soutient la proche aidante.

Difficultés financières

Après une année et demie sur le chômage durant la pandémie, Geneviève Coutu parvenait bon an mal an à joindre les deux bouts, notamment en multipliant les emplois à temps partiel tout en s’occupant de son mari. Elle est ensuite retournée au travail à temps plein en octobre 2021 pour éviter que son absence soit vue comme un refus de travail.

« En décembre, je n’étais plus capable. J’étais en télétravail à cause de la pandémie et mon mari se sauvait tout le temps. Il cachait mes affaires et faisait des crises. J’étais épuisée. Je suis donc tombée en arrêt de travail, pour finalement retourner au travail de juin 2022 à janvier 2023. J’ai recommencé à être épuisée. Mon mari était rendu à l’étape qu’il croyait de nouveau au père Noël. C’était comme avoir un enfant de cinq ans dans la maison », explique-t-elle.

Mme Coutu a donc demandé le chômage pour proche aidant, qui a duré plus ou moins 16 semaines. À ce moment, en août 2023, l’espérance de vie de son mari ne dépassait pas les six mois. Elle a donc eu accès au chômage de compassion.

En février dernier, alors que ce programme est venu à échéance, elle devait encore s’occuper de son mari, dont l’état s’était grandement dégradé. « Il ne marche plus et il a un levier électrique. J’ai dû adapter ma maison pour ses besoins », indique-t-elle.

Geneviève Coutu est désormais sans emploi, et ce, depuis février, bien qu’elle aurait voulu obtenir un horaire à temps partiel. D’ailleurs, il est hors de question pour elle de placer son mari. « De toute façon, je n’ai pas les moyens de payer 2770 $ par mois », soutient-elle.

« Parce qu’il est jeune et n’a pas 70 ans, beaucoup de services ne sont pas accessibles. Les produits d’hygiène, qui coûtent très cher par semaine, ne sont pas remboursés parce qu’il a l’Alzheimer. Pourtant, une personne soûle qui crash avec son véhicule et devient paralysée, ses produits hygiéniques seront payés », détaille-t-elle.

Depuis, la seule entrée d’argent est issue des rentes d’invalidité de Louis Lafrenière, qui représente environ 3400 $ par mois. Après avoir payé l’hypothèque, les assurances, l’électricité, l’épicerie pour l’ensemble de la famille, la pension pour un garçon à M. Lafrenière, etc., il ne reste plus rien, assure la proche aidante.

« Je m’occupe donc de la balance. Mes quatre enfants sont aux études postsecondaires. Je ne suis même pas capable de les aider dans leurs études », admet Mme Coutu avec exaspération.

Officiellement, le couple n’a pas eu accès au Programme d’aides matérielles pour les fonctions d’élimination. Ils ne peuvent pas non plus bénéficier d’un crédit d’impôt pour les services de la COOP d’entretien ménager qui sont offerts aux 70 ans et plus. Une subvention peut être offerte aux 65 ans et moins, mais M. Lefebvre gagnait un salaire trop élevé pour bénéficier d’une exonération complète.

Ensuite, concernant les crédits d’impôt provinciaux, le couple reçoit 2100 $ par année (aidant naturel), mais ne peut pas recevoir ceux pour le maintien à domicile des aînés (70 ans et plus) et pour les frais engagés par un aîné pour son autonomie (70 ans et plus).

Enfin, au niveau fédéral, le couple est en voie de recevoir 8100 $ par an pour une « personne handicapée ». Ils ne sont toutefois pas admissibles au montant pour une personne à charge parce qu’ils sont mariés et ils sont inadmissibles au montant pour aidant naturel à cause du revenu de Louis Lafrenière.

Par chance, elle obtient de l’aide de la part du CLSC, qui offre des heures de répit en envoyant de l’aide ponctuelle à son domicile. « Mais je ne peux pas utiliser ce temps pour travailler », déplore Geneviève Coutu.

Pour toutes ces raisons, elle est très inquiète financièrement. En plus de devoir vivre son deuil, elle devra faire face à plusieurs décisions, comme garder ou non la maison familiale. « Actuellement, je suis obligée de retirer nos REER pour vivre. […] Je ne sais plus quoi faire », laisse-t-elle tomber.

Elle déplore aussi la fermeture du bureau de l’Association d’Alzheimer qui était auparavant installé à Sorel-Tracy. « Le plus proche est maintenant à Longueuil, mais ils sont débordés. Heureusement, il reste l’Association des Aidants Naturels [du Bas-Richelieu] ici », mentionne Geneviève Coutu.

Rejoint par le journal, Jean-Bernard Émond a admis vouloir aider la famille. Il a d’ailleurs discuté par téléphone avec Mme Coutu le lundi 22 avril. « On va tout faire en sorte pour lui venir en aide, a-t-il révélé. Les proches aidants ont tout mon respect. » Ce dernier a d’ailleurs déjà siégé sur le conseil d’administration de l’Association des Aidants Naturels du Bas-Richelieu.

Geneviève Coutu a révélé que le député s’est engagé à aborder le dossier à l’Assemblée nationale le 23 avril « pour gratter les fonds de tiroirs ». Cette dernière se dit encouragée, mais ne souhaite pas s’emballer trop rapidement.

Aimer jusqu’à la dernière seconde

Malgré les difficultés financières, Geneviève Coutu tient mordicus à offrir une belle fin de vie à son mari. « Il avait trois rêves quand je l’ai rencontré : se marier, avoir une fille et visiter Hawaï. Nous nous sommes mariés et nous avons passé une semaine à Hawaï en 2022 », confie la proche aidante avec joie.

C’est d’ailleurs son gendre qui a offert le voyage à toute la famille. Un geste d’une grande générosité que tenait à souligner Mme Coutu. « Mes enfants sont très impliqués et m’aident beaucoup », assure-t-elle.

« Je n’ai plus espoir pour moi, mais pour les autres oui. Si quelqu’un avait parlé de cet enjeu avant moi, peut-être que ça m’aurait aidée aujourd’hui », conclut Geneviève Coutu avec émotion.

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