27 février 2024 - 08:30
Le dossier piétine et rend la Ville de Contrecœur impatiente
Vingt ans après sa fermeture, quel est l’avenir de l’immeuble de Genfoot?
Par: Stéphane Fortier

La Ville a fait installer un filet anti-débris sur le mur extérieur du bâtiment face à la rue Lajeunesse. Photo tirée de la page Facebook de la Ville de Contrecœur

La mairesse de Contrecœur, Maud Allaire, aimerait bien que le dossier du bâtiment de Genfoot trouve enfin une conclusion heureuse. Photo Stéphane Fortier | Les 2 Rives ©

La fabrique de chaussure dans les années 1940. Photo gracieuseté

Des employés à l’époque où Albert Charron était propriétaire dans les années 1920. Photo tirée des archives de la Société d’histoire

L’opératrice Lucie Bouthillette, sur le moulin « Puritan » à trois aiguilles. C’est suite à une suggestion de Georges Tétreault à la compagnie Puritan du Connecticut que ces machines à coudre ont vu le jour. Photo tirée des archives de la Société d’histoire

L'équipe d'employés lors du 100e anniversaire de l'entreprise. Photo tirée des archives de la société d'histoire

Une ouvrière de Lafayette Shoes en action. Photo tirée des archives de la Société d’histoire

L'Industrie de la chaussure a été le principal employeur des habitants de Contrecoeur pendant plusieurs années. Photo tirée des archives de la Société d'histoire

Depuis la fermeture de l’entreprise de chaussures Genfoot, appelée également Lafayette Shoe Company, le 27 février 2004, il y a donc 20 ans jour pour jour, la bâtisse est laissée à l’abandon, même qu’un filet a été installé récemment pour éviter que des briques ne tombent sur des piétons. Si ce n’était de la Ville de Contrecœur, le bâtiment aurait une toute nouvelle vocation depuis longtemps.

Cet édifice date de 1924, devenant ainsi centenaire cette année. Il avait été bâti par le fondateur de l’entreprise en 1898, Albert Charron et, plus tard, vendu à William Cooke, en 1931, propriétaire de Genfoot à Montréal. L’entreprise contrecœuroise était donc une filiale de Genfoot. La bâtisse est encore désignée par le vocable Lafayette.

Mais pourquoi Lafayette? « L’épouse de M. Cooke était une Libanaise qui parlait le français et, lors d’un voyage à Paris, elle s’est rendue aux Galeries Lafayette. Elle a aimé ce nom et a suggéré à son époux de l’adopter pour l’entreprise de Contrecœur », raconte Robert Binette, de la Société d’histoire de Contrecœur.

En 2004, l’usine ferme ses portes et 180 personnes, surtout des femmes, perdent leur emploi. « Plusieurs se sont relocalisées chez Formedica, une fabrique d’équipements orthopédiques à Contrecœur », fait remarquer Maud Allaire, mairesse de Contrecœur depuis 2017.

Un patrimoine à sauvegarder

Suzanne Dansereau, qui a siégé comme mairesse de Contrecœur pendant 16 ans, de 2001 à 2017 et qui a ensuite été députée de Verchères de 2018 à 2022, a travaillé brièvement chez Genfoot.

« J’étais toute jeune à l’époque et ma tâche était de fournir du matériel aux couturières, se souvient-elle. Au début des années 1970, ça marchait fort. Il y avait des centaines d’employés qui y travaillaient. En fait, il y eut un temps où tout le monde, mis à part les agriculteurs, travaillaient dans la chaussure à Contrecœur. Il y a déjà eu trois entreprises qui en confectionnaient », relate Mme Dansererau.

Cette dernière croit qu’il est important de protéger ce bâtiment qui partie du patrimoine industriel de Contrecœur. « Il est situé au cœur du village, près de deux écoles, est doté de planchers de bois, de fenêtres extraordinaires », décrit-elle.

Décrépitude

Il y a quelques jours, la Ville a fait installer un filet anti-débris sur le mur extérieur du bâtiment face à la rue Lajeunesse. « Mais la structure est jugée en bonne condition. C’est la brique qui est fragile et comme le bâtiment est en bordure de la rue, il n’y a aucune chance à prendre pour protéger les passants », indique Maud Allaire.

Cette démarche a d’ailleurs suscité de l’inquiétude sur la page Facebook de la Ville lorsqu’elle a annoncé la pose de ces filets, le 14 février dernier. Plusieurs citoyens ont questionné cette démarche et ont demandé des comptes à la Ville concernant le bâtiment.

Quoi faire avec le bâtiment?

En 2016, alors que Suzanne Dansereau était mairesse et Maud Allaire conseillère municipale, la Ville de Contrecœur fait l’acquisition de ce bâtiment situé au 4945, rue Legendre. « Les propriétaires pensaient en faire des lofts, mais la Ville a fait valoir son droit de préemption pour en faire l’acquisition, comme toute municipalité a le droit de le faire », d’indiquer Mme Allaire.

« Au début, on voulait y aménager une bibliothèque, car celle en fonction était un peu petite pour une population de 10 000 habitants. En 2018, il aurait fallu débourser 4 M$ pour sa réfection et la décontamination de l’endroit et 4 autres millions pour l’aménagement en tant que tel, donc 8 M$ au total », relate la mairesse. Cette option a finalement été rejetée.

De fait, en 2020, la Ville avait annoncé la conversion de l’ancienne manufacture en habitations pour les aînés grâce à l’appui du groupe Le Grand Pécaudy, un organisme à but non lucratif créé dans le but développer un projet d’habitations sur le territoire de Contrecœur afin d’offrir aux aînés des logements à prix abordable. Dès la première étape du projet engagée, le tout est repoussé puisque les coûts de remise aux normes du bâtiment étaient trop élevés pour se qualifier aux programmes de subvention disponibles.

« Nous avons essayé de le vendre au privé avec plusieurs conditions, pour en faire un espace consacré au médical par exemple. On a eu une offre de 0 $ d’un promoteur, mais pour lui, il n’était pas question d’en faire des logements abordables. Et c’est pourtant la vocation que nous aimerions lui donner. C’est un besoin partout, ici à Contrecœur comme ailleurs », affirme Mme Allaire.

Autre bâton dans les roues : la Ville de Contrecœur ne se retrouve pas dans la même zone que les autres municipalités de la MRC de Marguerite-D’Youville en ce qui a trait aux subventions pour les logements abordables, si bien qu’une demande a été faite pour passer de la région 10 à la région 16 afin de recevoir ces dites subventions. La Ville a l’appui de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) afin que cette situation soit corrigée.

Et voilà qu’arrive le Martinet ramoneur

Autre tuile dans la cour de la Ville de Contrecœur. Le 1er février, Environnement et Changement climatique Canada envoyait une lettre pour aviser qu’avant que toute initiative soit prise en regard du bâtiment de la Genfoot, la Ville doit s’assurer que sa cheminée ne soit pas un lieu de nidification du… Martinet ramoneur, une espèce en danger au Canada.

« Nous avons trois ans pour nous assurer que cet oiseau ne vient pas nicher à cet endroit. Pourrions-nous simplement déplacer la cheminée de l’usine? » se demande Maud Allaire. La période où cet oiseau vient nicher, si c’est le cas, se situe entre avril et octobre.

Pour en revenir avec la question de départ : quel est l’avenir de l’immeuble de Genfoot à Contrecœur? Tout ce dont on peut être sûr, c’est que, pour l’instant, assure la Ville, le bâtiment ne sera pas démoli.

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