10 octobre 2023 - 07:01
Yves Martin Larocque a blessé un enfant par erreur en utilisant sa carabine
Voulant se faire justice lui-même, il pourrait faire 10 ans de prison
Par: Jean-Philippe Morin

Yves Martin Larocque, qui a tiré de la carabine sur une voiture avec plusieurs occupants tout en blessant un jeune enfant à la jambe avec une balle perdue, a lu une lettre d’excuses à la Cour lors de ses représentations sur sentence. Photo tirée de Facebook

Un homme de Contrecœur qui a tiré avec sa carabine sur des personnes venues l’intimider chez lui un dimanche soir dans un quartier résidentiel pourrait rester à l’ombre pendant 10 ans.

C’est la demande formulée par l’avocat de la Couronne Frédéric Ouellet à la juge Louise Leduc le 29 septembre dernier, au palais de justice de Sorel-Tracy, lors des représentations sur sentence.

L’avocate de la défense, Morgane Laloum, a plutôt demandé que son client reçoive une peine qui lui permettrait de rester dans une prison provinciale, donc de moins de deux ans.

Rappel des faits : le 22 août 2021, en début de soirée dans un quartier tranquille de la rue des Pivoines à Contrecœur, l’accusé a reçu la visite de trois personnes ayant des antécédents judiciaires venues le menacer pour une altercation survenue des mois plus tôt dans un bar, lors de laquelle un des hommes aurait dit à Yves Martin Larocque qu’il « allait monter une équipe et le passer », selon ce qu’a raconté Me Laloum devant la Cour.

Le Contrecœurois, qui aura 40 ans le 12 octobre, a alors sorti une carabine légalement enregistrée, vêtu seulement d’un costume de bain, et a fait feu vers la voiture, blessant grièvement deux des trois occupants. Le conducteur a d’ailleurs subi des lésions irréversibles. Yves Martin Larocque a aussi blessé à la jambe un enfant alors âgé de 7 ans avec une balle perdue.

Me Laloum a souligné que son client, lui, n’avait pas d’antécédents judiciaires et que le contexte devrait primer pour la sentence à purger. Yves Martin Larocque a d’ailleurs plaidé coupable dès le début des procédures pour voies de faits graves, avoir déchargé une arme à feu dans l’intention de blesser et avoir fait une utilisation négligente d’une arme. « Il a collaboré avec les policiers. Ça faisait des mois qu’il se faisait menacer », a-t-elle plaidé.

Yves Martin Larocque a lu une longue lettre d’excuses à la Cour avant les représentations sur sentence. « À mes victimes : deux années ont passé suite aux gestes répréhensibles. La réflexion était au cœur de mon cheminement carcéral. Tellement de gens ont souffert dû à mes actes. L’introspection dans différentes thérapies m’a aidé à faire le point sur les événements. J’ai agi impulsivement et par crainte. Pardonnez-moi le mal causé dans vos vies. Je regrette les actes que j’ai commis sous le pouvoir de la peur. J’éprouve un sentiment de honte. J’aurais aimé régler nos différends autrement sachant les dégâts qui ont résulté sur votre santé physique et mentale, les blessures et les traumatismes qui ont suivi. Je souhaite faire la paix au travers cette histoire avec les gens que j’ai blessés. »

Ne pas se faire justice soi-même

De son côté, le procureur de la Couronne a plaidé que la violence et la préméditation d’un tel geste doivent être punies en raison du contexte et du nombre de victimes.

« [Le conducteur] a été atteint à la tête alors qu’il tentait de quitter les lieux. […] L’aspect épouvantable de ce dossier, au-delà des blessures [du conducteur], c’est la présence d’enfants et la blessure d’un enfant », a-t-il mentionné à la juge, en ajoutant que l’accusé a montré de l’acharnement lors de l’événement, frappant un des passagers du véhicule avec son arme, alors atteint par balle au bas du corps.

« La réprobation doit primer, a renchéri Me Ouellet. La scène est typique du Far West. C’est une scène de nature gréco-romaine. Le Tribunal a un devoir d’envoyer un signal clair qu’on ne peut se faire justice soi-même, à plus forte raison avec des armes à feu. Les citoyens de Contrecœur ne devraient pas à avoir peur d’être dehors un dimanche soir. On était à quelques centimètres d’un décès. »

La mère du jeune enfant qui a été atteint à la jambe a voulu s’adresser à la Cour. Le petit frère de la victime a aussi vu la scène. « Petit ange rempli d’amour et de curiosité a vu cet homme vider son chargeur visant peut-être pas le petit [frère], mais tellement près qu’une balle s’est fait un chemin au travers de la cuisse de son grand frère adoré. Imaginez-vous ce que les deux petits gars se demandent? Beaucoup trop de questions pour lesquelles maman n’est pas capable de répondre. Pourquoi il [Yves] nous a fait ça, maman? Mon manque de réponses s’accumule et leur colère s’amplifie. Comment expriment-ils leur mécontentement après avoir assisté à un geste irréfléchi avec autant de violence? », a narré Me Ouellet pour la mère.

La juge Louise Leduc s’est alors questionnée à haute voix : « J’ai peu de mots pour exprimer la tristesse du sort des victimes. Il demeure que la peine doit aussi refléter qu’une société ne peut tolérer qu’une personne, quoique harcelée ou se sentant menacée, qui n’est pas en légitime défense, puisse se permettre non pas de s’en remettre aux autorités concernées, mais se faire justice soi-même. Est-ce que nous sommes rendus dans une société qui peut tolérer, même une personne de bonne réputation, à se rendre avec des armes pour régler des conflits? C’est le cœur de ce dossier. »

« On a un individu qui est non criminalisé qui vit une situation d’anxiété évidente et qui commet un geste épouvantable qui laisse des séquelles graves. Il faut tout balancer ça », a résumé la juge Louise Leduc, qui rendra sa décision en janvier.

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