23 mai 2023 - 08:06
Naval 2.0
Par: Louise Grégoire-Racicot

Depuis le début des années 80, Louise Grégoire-Racicot pose son regard sur la région comme journaliste à travers les pages du journal Les 2 Rives. Depuis février 2018, à titre de chroniqueuse, elle livre maintenant chaque semaine son opinion sur l'actualité régionale.

Après avoir pris part à l’assemblée annuelle de l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada en avril dernier, voilà que cinq élus, intervenants et gens d’affaires sont à Paris, histoire que Sorel-Tracy se taille une place de choix comme fournisseur de pièces dédiées au chantier maritime de Lauzon. Un ambitieux projet régional!

Car il y a plus de 30 ans que Marine Industries (MIL) a fermé ses portes, elle qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, employait quelque 10 000 personnes pour construire des navires de guerre pour le fédéral puis des bateaux aux diverses vocations pour des armateurs.

Elle s’était alors taillé une réputation mondiale enviable et surtout avait formé une main-d’œuvre devenue experte dans l’exécution de ses tâches. Aujourd’hui, même si le secteur naval fait encore partie de son riche patrimoine industriel – et la région s’en rappelle avec fierté – la grande majorité des gens qui ont fait sa gloire sont retraités sinon décédés.

D’autres entreprises ont pris la relève de belle façon dans l’acier et la fabrication, dans l’usinage et les services. D’où la surprise de voir accolée cette démarche à celle d’une vocation maritime à rebâtir! Comme si on assisterait éventuellement au lancement de nouveaux navires de la rampe toujours existante.

Oui, nous disposons d’infrastructures portuaires adéquates, d’entrepreneurs créatifs et compétitifs, de travailleurs performants même si en nombre insuffisants. Comme nous disposons d’espaces industriels imposants et prêts à accueillir des entreprises étrangères qui, si elles veulent décrocher des contrats de Davie, doivent avoir une filiale installée au Québec. Une exigence gouvernementale, le fédéral commandant ces navires. Oui, la région a ce qu’il faut pour se targuer d’investir cette filière de fournisseurs du chantier de Lauzon. Alors pourquoi pas à Sorel-Tracy?

Toutefois cessons d’évoquer ce passé maritime et de rêver de renouer avec sa réputation d’antan. Inspirons-nous plutôt des leçons que sa disparition nous a données. Celle de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et ses espoirs en un seul donneur d’ordres. Cela fragilise trop un secteur! La région a payé cher sa mono-industrialisation et son hésitation à se tenir debout face à ses exigences. Comme elle n’a pas toujours su bien composer ses relations ouvrières.

Depuis, elle a beaucoup changé. Elle a su explorer et de nouvelles avenues comme l’environnement et les services où une jeune génération prend tranquillement mais sûrement la relève. Avec ses idées et visions propres, sa créativité explosive, son goût du risque accepté. Elle connait les champs qu’elle investit, maitrise les outils pour s’exécuter, adaptant au besoin un savoir-être et un savoir-faire différents mais riches. Décomplexés! Le dernier Gala du mérite nous en a fait la preuve!

Il faut espérer que cette fois tous sachent vraiment comment travailler ensemble en maillage ou en complicité et complémentarité. Ce qui ne peut qu’ajouter à ses chances de décrocher des contrats lucratifs et stimulants.

Tout est à réinventer pour être de cette grande filière de construction navale. Ce démarchage collectif est une première intervention publique d’importance pour Développement économique Pierre-De Saurel qui est en charge du développement économique de la région. On ne doit engendrer qu’une démarche lucide : non, MIL ne renaitra pas de ses cendres. Il faut désormais se mettre à l’heure du naval 2.0.

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