6 septembre 2022 - 11:04
Émissions de poussières provenant de Richardson International
Un rapport alarmant de la Santé publique sème la consternation à Sorel-Tracy
Par: Alexandre Brouillard

Le centre-ville de Sorel-Tracy doit composer avec des émissions de poussières provenant de Richardson International depuis plusieurs années. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Un rapport de la Direction de Santé publique (DSP) de la Montérégie révèle que Richardson International, un terminal céréalier situé au centre-ville de Sorel-Tracy, viole de nombreuses normes de qualité de l’air.

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Le journal Les 2 Rives a obtenu copie de l’avis de santé publique émis par la DSP en octobre 2021, qui présente la caractérisation de l’air ambiant près de Richardson International, situé au 10, rue de la Reine, à Sorel-Tracy.

Ledit rapport est issu d’une analyse effectuée en 2017 et 2018 par le Centre de contrôle environnemental du Québec (CCEQ) du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Après avoir reçu plusieurs plaintes de la part de citoyens qui avaient signalé la présence de poussières blanchâtres au centre-ville de Sorel-Tracy, le MELCC avait procédé à une étude de caractérisation de l’air ambiant pour obtenir des données quant à la présence de matières particulaires.

Dans l’avis issu de l’étude, la DSP indique que l’équipe du CCEQ a rapporté certaines observations quant à la présence régulière de poussière dans l’air. « Des nuages de poussière étaient visibles lorsque la compagnie Richardson International était en train de charger ou de décharger des bateaux et des camions ».

Selon la norme québécoise, la concentration totale de particules en suspension dans l’air ne doit pas dépasser une moyenne de 120 microgrammes par mètre cube (µg/m3) par période de 24 heures. Sur les 24 journées où des échantillons ont été prélevés, l’équipe d’experts a noté 20 dépassements à au moins une des quatre stations d’échantillonnage. La valeur quotidienne la plus élevée récoltée par l’équipe était de 1780 µg/m³.

De plus, le CCEQ a noté la présence de particules fines de moins de 10 microns (PM10) lors de 14 journées. Bien que ces particules ne soient pas encadrées par une norme québécoise, la DSP se réfère à la norme de l’Organisation mondiale de la santé qui fixe la limite à 50 µg/m3 par période de 24 heures. La valeur quotidienne la plus élevée enregistrée était de 205 µg/m3.

En 2020, lorsque le MELCC avait soumis ces données à la DSP pour qu’elle se prononce sur les impacts sur la santé de la population, cette dernière avait conclu qu’une exposition à ces poussières pouvait avoir des impacts sur la santé de la population, soit provoquer de la toux, affecter les voies respiratoires et même exacerber l’asthme ainsi que provoquer des symptômes d’allergies.

Or, au même moment que la DSP faisait ces constats, le MELCC indiquait ne plus recevoir de plaintes depuis la fin de l’année 2018.

Un avis caché par la DSP?

Lorsque Richardson International a pris connaissance de l’avis de la DSP à l’automne 2021, l’entreprise a contesté les résultats jugeant que le rapport n’était pas à jour parce qu’il était basé sur des données prélevées en 2017-2018.

À l’époque, bien que la DSP recommandait à la Ville de Sorel-Tracy dans son avis émis de rendre l’information publique, elle avait demandé, en janvier 2022, de finalement attendre avant de communiquer les résultats des tests.

Selon nos informations, Richardson International soutient que l’échantillonnage ne permet pas d’affirmer que les émissions de poussières émanent de son terminal céréalier. Depuis, l’entreprise aurait d’ailleurs adopté trois types de mécanismes pour limiter les émanations de particules fines, dont des gicleurs antipoussière qui créent un rideau d’eau et bloquent leur dispersion.

Face à ces contestations, des représentants de la DSP et du MELCC se sont récemment penchés sur le dossier.

La directrice de santé publique de la Montérégie, Julie Loslier, indique que la DSP avait alors demandé au ministère de vérifier si des correctifs avaient réellement été apportés par Richardson International.

« Ce sont des prélèvements de 2017-2018. Donc, dans notre perspective, on a décidé de retarder de quelques semaines pour pouvoir apporter de l’information à la population qui est juste. […] Il peut y avoir des effets pervers à inquiéter une population, alors qu’il y a des améliorations qui ont été apportées », explique Julie Loslier.

De son côté, le directeur du Service des communications de la Ville de Sorel-Tracy, Dominic Brassard, assure que personne ne voulait « cacher » de l’information dans ce dossier, comme l’indique Le Devoir dans un récent article. Il affirme néanmoins que le délai des différentes communications reliées au dossier est « questionnable ».

« On avait toutefois été surpris du délai, affirme M. Brassard. On reçoit un avis de santé publique basé sur des données de 2017-2018. […] La DSP soutient que la pandémie les avait ralentis. »

De nouvelles analyses dans les prochains mois

C’est finalement sept mois plus tard, soit le 24 août dernier, que la Ville a reçu et partagé un communiqué de la DSP informant que le MELCC allait procéder à de nouvelles analyses de la qualité de l’air après la réception de nouvelles plaintes de citoyens au printemps 2022. Les échantillonnages auront lieu à l’automne 2022 et au printemps 2023.

« Vous pouvez être convaincu qu’on en fait une priorité », conclut Julie Loslier.

Le directeur général de Richardson International, Dante Manocchio, n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

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